Ici encore, le livre est intitulé d’après son premier mot significatif, et, en l’occurrence, ce mot est particulièrement bien choisi, puisqu’il s’agit d’une série de discours: Voici les paroles dont Moshè parla à tout Israël. Un autre nom, cependant, eut cours dès l’Antiquité, celui de Mishné Tora, Tora Seconde ou Répétition de la Tora. Cette expression se trouve d’ailleurs dans le livre lui-même (17,18) et dans Jos 8,32; c’est elle qui a donné le nom de Deutéronome, emprunté au grec et signifiant « Deuxième Loi ».
Le style de l’ouvrage est différent de celui des autres livres du Pentateuque. Dans les passages parallèles, il est moins concis et sa syntaxe est plus complexe. On y trouve des expressions particulières qui ont fait école et ont probablement influencé les rédacteurs d’autres ouvrages bibliques. Cette originalité du Deutéronome par rapport aux autres livres de la Tora a été reconnue dès l’Antiquité. Certes, il était considéré comme l’Acte de Moshè, et, par exemple, Nehèmyah (Néhémie) le cite sous ce nom (Ne 13,1). Mais les rabbis du Talmud se sont déjà demandés comment Moshè aurait pu décrire sa propre mort et son ensevelissement (Dt 34). Ils en avaient conclu que cette dernière partie du livre tout au moins avait été rédigée par Iehoshoua‘ (Josué). D’autres indices encore empêchent de voir dans ce livre l’œuvre du grand législateur.
C’est dès l’Antiquité aussi qu’on a cru reconnaître le Deutéronome dans ce livre de la Tora dont la découverte, au temps du roi Josias, est rapportée par 2 R 22,8 ss. Certains en ont déduit que l’ouvrage avait été rédigé à cette époque par un groupe d’hommes soucieux de diriger et d’éclairer la réforme entreprise par ce souverain; ce qui est probablement exagéré. On peut penser toutefois que le Deutéronome est une composition très élaborée, le fruit d’une longue évolution qui ne s’est terminée que peu de temps avant la ruine du premier Temple, ou même, selon certains critiques, après l’exil à Babylone (586-538).
Les controverses dont ce livre est encore l’objet ne doivent pas nous en voiler la grandeur. Le Deutéronome est l’un des textes les plus émouvants de la Bible et, littérairement, l’un des plus parfaits. Le nouveau récit qu’il fait de certains aspects de l’histoire de Moshè, de sa vie et de sa mort, décrit bien le pacte dont il est l’intermédiaire entre IHVH-Adonaï et Israël comme étant le lieu métaphysique privilégié de la rencontre de l’être et de l’univers. Les Dix Paroles conditionnent le fonctionnement d’une alliance qui préfigure les accomplissements messianiques promis, à l’heure des triomphes universels de la justice et de la paix.