Josué Introduction - CHU

Le contenu du livre de Iehoshoua‘ (Josué) se répartit selon un plan très clair: les chapitres 1 à 12 traitent de la conquête du pays de Kena‘ân; les chapitres 13 à 22 de l’installation des Benéi Israël dans le pays; et les deux derniers chapitres (23 et 24) constituent le testament spirituel de Josué: on y trouve un discours à la manière de ceux de Moshè (Moïse) et le compte rendu de la grande assemblée de Shekhèm (Sichem). Dans le livre de Josué, figurent un certain nombre d’épisodes dramatiques qu’on pourrait qualifier d’« affaires »: l’affaire du butin volé par ‘Akhân (Akhân) (chapitre 7) ­ une violation d’anathème; l’affaire des Guib‘onîm (Gabaonites, chapitre 9) ­ une ruse; l’affaire de l’autel sur les rives du Iardèn (Jourdain) (chapitre 22) ­ un malentendu qui a manqué de dégénérer en guerre fratricide.

L’ensemble du livre est sous-tendu par une idée-force: l’accomplissement dans les faits de la promesse faite aux pères fondateurs. On y trouve de nombreuses paraphrases, et même des citations, de la Genèse et du Deutéronome, qui affirment de façon péremptoire l’appartenance du pays de Kena‘ân (Canaan) au peuple d’Israël. Malgré les nombreux îlots de résistance des autochtones (la terre qui reste, dit le texte en 13,2, et ces nations qui restaient, en 23,4), l’accent est mis sur les villes grandes et bonnes qui sont tombées sans coup férir, sur les maisons regorgeant de biens dont les conquérants ont « hérité », sur les puits abondants qu’ils ont pu utiliser sans avoir pris la peine de les creuser, sur les vignes et les oliveraies qu’ils ont exploitées sans les avoir plantées, sur les victoires épiques et le butin impressionnant. L’ivresse de la victoire est sensible à chaque page.

Dans la foulée de l’Exode, on assiste à une vaste migration: le passage du désert au pays cultivé fut même brutal. Néanmoins, la préparation spirituelle à la conquête, cette longue méditation de quarante années dans un isolement total et les longs discours parénétiques de Moshè ont porté leurs fruits. La bataille fait rage et les ennemis sont massacrés par milliers. On ressent cependant une certaine retenue dans le carnage, et nous sommes loin de l’ambiance littéraire de l’Iliade.

La personnalité de Iehoshoua‘ (Josué) domine tout le livre et lui confère une inspiration particulière: c’est lui le maître spirituel, le conquérant et le partageur des terres. Il est véritablement l’héritier et le continuateur de Moshè.

À lire le livre de Josué, on est étonné du nombre de rois qui régnaient sur les villes du pays. Ces « rois » étaient en fait de petits princes locaux, mais leur puissance politique et militaire n’était pas toujours négligeuble, surtout quand ils se liguaient.

L’archéologie et les récits bibliques se complètent pour nous donner une image pittoresque des villes de Kena‘ân à l’époque de la conquête. Nous voyons les maisons à étages, les ruelles, les toits où l’on peut faire sécher du linge et des légumes, les fenêtres par où les femmes passent la tête pour voir le paysage ou attendre le retour des soldats.

La vie économique était intense dans les villes et dans les campagnes cananéennes. Les Hébreux apprirent des anciens habitants du pays les principales techniques artisanales et agricoles; ils y apportèrent relativement peu de changements pendant les longs siècles de l’histoire biblique, jusqu’à la période hellénistique et romaine. Les progrès dus à l’arrivée des Hébreux furent surtout sensibles dans les régions montagneuses, qui étaient auparavant à peine peuplées et exploitées. L’identification des villes citées dans le livre de Josué n’est pas toujours aisée. Certains sites sont bien connus, étant donné la continuité de la tradition historique et religieuse: Ieroushalaîm, Hèbrôn, Iapho, et bien d’autres. Dans les cas douteux, on tient compte de la géographie historique et de la topographie arabe, qui est très conservatrice. L’archéologie est évidemment ici d’un grand secours. Certains sites, comme le tell de Jéricho, sont maintenant très bien connus. Le contraste est frappant entre la richesse de la civilisation cananéenne et le caractère primitif de la religion pratiquée par les anciens habitants du pays. Nous connaissons relativement bien la mythologie des Kena‘anîm, grâce à la découverte des tablettes de la bibliothèque d’Ougarit (Ras Shamra, au nord de la Syrie). Cette mythologie était aussi épanouie que celle des Grecs. Une analyse allégorique et esthétique de leurs épopées peut donner l’impression que les anciens Kena‘anîm s’efforçaient de chanter les merveilles de la nature, la virilité des hommes et de la foudre, la fécondité des femmes et des terres labourées. Cette approche moderne de la mythologie cananéenne n’est pas fausse en elle-même, et elle est à l’origine de toute une littérature épique; mais elle ne doit pas nous faire oublier que, dans les faits, les Kena‘anîm ont imité les dieux et les héros de leur mythologie, souvent violents, cruels et lascifs. Les prophètes d’Israël, depuis Moshè et Iehoshoua‘, ont lutté de toutes leurs forces contre la tentation que constitueraient pour les Hébreux ces pratiques idolâtres. Il ne fait pas de doute que ce fut la préoccupation principale, sinon unique, des rédacteurs du présent livre.