Les deux livres des Rois traitent de l’histoire du peuple d’Israël pendant quatre siècles, depuis les derniers jours du roi David jusqu’à l’époque de l’exil à Babèl (Babylone), lorsque Evil Merodakh, roi de Babèl, accorde en 560 sa grâce à Yehoyakhîn, roi de Iehouda.
C’est l’Elohîms d’Israël qui donne à cette histoire un commencement, un sens et une fin. L’auteur, ici, a le regard tourné vers cet Elohîms, et non du côté du roi terrestre. Son principal souci est de décrire la part que IHVH-Adonaï prend à cette histoire dont il est l’auteur et le seul maître.
C’est dans cette perspective que, dans les précédents livres de la Bible, nous avons vu IHVH-Adonaï créer l’univers, répartir les peuples sur la terre et choisir pour peuple-domaine Israël, auquel il donne les lois et les coutumes consignées dans le Pentateuque. Après avoir arraché les Hébreux à l’esclavage d’Égypte, il leur donne la terre de promission (livre de Josué), puis il place à leur tête des suffètes et enfin des rois, leur assurant la grâce d’avoir une dynastie, celle de David et de ses descendants (livres des Juges et de Samuel). IHVH-Adonaï choisit d’établir sa demeure dans le sanctuaire de Jérusalem (2 S 7,13). Par cette grâce suprême, il habite lui-même au milieu de son peuple. À partir de ce sommet, nous assistons à un déclin constant, qui aboutira à la destruction de la ville et du sanctuaire, et à l’exil. Le peuple n’est pas fidèle à son Elohîms, dont il s’aliène les bonnes grâces; il sombre dans l’idolâtrie. Infidèle au pacte de ses pères, il ira de désastre en désastre: le royaume d’Israël sera détruit, puis ce sera le tour de celui de Iehouda (Juda). Le dernier roi de la dynastie de David mourra en exil, Jérusalem sera ruinée et le sanctuaire incendié, tandis que les survivants du peuple seront conduits à Babèl. C’est probablement de cette époque (entre 560 et 538 avant l’ère chrétienne) que date, sous sa forme actuelle, le livre des Rois. Il fut sans doute rédigé pour faire connaître aux exilés les causes et les circonstances de leurs malheurs et les inciter à retrouver l’espoir d’une rédemption prochaine. L’auteur décrit des événements dont il a été le témoin. Pour ce qui est du passé, il s’appuie sur la tradition vivante de son peuple et aussi sur des documents écrits aujourd’hui disparus, mais qui constituaient une source d’information abondante, vivante et fort précise. Dès le début de l’époque royale, des scribes étaient attachés au palais et consignaient les événements majeurs de la vie des rois (2 S 8,17; 20,25; 1 R 4,3). Ces archives ont été sans aucun doute mises à la disposition de l’auteur, qui les résume.
Le caractère le plus frappant de cette littérature est sa volonté de sincérité totale. L’auteur note les faits sans céder jamais à l’apologétique. Il décrit, souvent avec une grande sévérité, les faiblesses de son peuple, et quand il fait le portrait des rois, il n’omet de mentionner aucune de leurs faiblesses. Cette immense fresque de quatre siècles d’histoire nous est aujourd’hui plus clairement compréhensible, grâce à la lumière que projettent sur ces données les découvertes archéologiques du dernier siècle. Les villes dont il est question dans l’ouvrage, les remparts, les portes, les palais, les sanctuaires, les autels, ne sont plus connus seulement par les mentions qui en sont faites dans le texte: ils s’offrent à nos regards dans leur site d’autrefois, et de nombreux objets mobiliers de cette époque lointaine sont exposés aujourd’hui dans les musées. De multiples inscriptions ont été découvertes, qui confirment le plus souvent le témoignage de l’écrivain biblique.
Les quatre siècles dont le livre des Rois rapporte l’histoire tourmentée sont cependant entièrement dominés par la haute figure des prophètes. Dans la complexité souvent contradictoire des événements, la prophétie hébraïque a réussi à s’imposer et à servir de lumière au peuple d’Israël, de génération en génération. Elle n’a pas guidé seulement l’histoire du peuple élu, mais a été à l’origine des trois grandes religions monothéistes: judaïsme, christianisme et islam.
La saga d’Élyahou (Élisée) et d’Èlisha‘ (Élie) domine de très haut l’histoire de l’époque royale et se situe fort loin de la prophétie extatique que l’on trouve parmi certains peuples de l’Orient ancien. Entendons ici le grand, le déchirant appel fait aux hommes pour qu’ils renoncent à leurs idoles, à leurs mystifications, et instaurent sur terre le royaume dont le roi sera IHVH-Adonaï et où ses fils seront frères./p>