Qohèlèt dérive de la racine qhl, qui signifie « assembler ». Il a été traduit en grec, puis en latin, par Ecclesiastes, mot qui dérive lui-même de ecclesia, « assemblée ». Qohèlèt est à la fois un « rassembleur » de sentences, et celui qui se lève au sein de l’assemblée pour en être le « prédicateur ».
Le ton général de l’ouvrage, sa signification la plus profonde, est donné par le deuxième verset, qui sert de leitmotiv au livre tout entier: Habèl ha balîm hakol habèl, « Fumée de fumées, tout est fumée ». La traduction du mot habèl par « vanité » n’a pas peu contribué à brouiller les pistes qui peuvent conduire à une exacte compréhension de la pensée de Qohèlèt. Est vain ce qui est dépourvu de valeur. Parler de vanité implique un jugement de valeur.
Or le mot habèl est essentiellement concret. Il signifie « fumée », « vapeur », « haleine ». Qohèlèt ne porte pas un jugement de valeur sur le réel; il dresse un constat: tout est fumée. Le bonheur, le travail, la sagesse, la vie, l’humanité, la famille, l’argent, la fortune, la gloire, le désir, le rire, l’avenir, la jeunesse, les jours de l’homme; oui, tout est fumée. Qohèlèt se situe dans l’ordre des constatations objectives. Sa pensée est davantage métaphysique que moralisante. Il tente de décrire la condition humaine sous l’angle de ce qui passe: état de fait indéniable et qui porte à conséquence pour la pensée et la conduite de l’homme.
Il faut reconnaître qu’il est difficile de déceler la structure logique de son œuvre, aussi variée et semée de contradictions que la vie dont elle entend cerner le mystère. L’unité du livre réside surtout dans son style, véritablement étincelant.
On a souligné la parenté de certaines expressions de Qohèlèt avec des textes ougaritiques ou phéniciens. Au IIIe siècle avant notre ère, date probable de sa rédaction, la Phénicie et la terre d’Israël étaient sous la domination des Ptolémées et sous l’influence de la culture grecque. Quoi qu’il en soit, il est impossible de mettre une étiquette sur une pensée aussi riche et aussi évidemment personnelle. Qohèlèt reste, aujourd’hui encore, un penseur original, et c’est son œuvre elle-même qui importe. Les jeux intellectuels de ses commentateurs sont souvent, eux aussi, fumée !