Genesis (Genèse), titrait la traduction grecque des Septante. Beréshit, dit l’hébreu, suivant en cela le premier mot du texte, Beréshit: Entête. Et, de fait, ce livre ne cesse pas d’être l’Entête du Pentateuque et de la Bible tout entière. Non seulement il rapporte la genèse du monde, mais il donne aussi la clé du Livre. Ce volume, qui commence par décrire les origines de l’univers et de l’humanité, est l’irréfutable témoin d’une des plus profondes expériences, à jamais actuelle, de l’esprit en quête de ses racines et de ses finalités.
L’œuvre est composée comme une symphonie. L’auteur débute par le thème le plus général qui se puisse concevoir: la création de l’univers. De là il passe à celle de l’humanité, au récit de sa chute que suit le premier assassinat, le meurtre d’Èbèl (Abel) par son frère Caïn (Caïn). Puis vient le déluge, après lequel l’humanité prend un nouveau départ. Abrahâm (Abraham), descendant de Noah (Noé), est un nouvel Adâm autour de qui s’articule l’histoire d’un peuple. Ainsi la symphonie traite-t-elle de thèmes de plus en plus restreints. Le récit continue en maniant les genres avec maîtrise: les dialogues de IHVH-Adonaï et d’Abrahâm, le pacte et la promesse, la rencontre de Malki-Sèdèq (Melchisédech) à Shalèm (Jérusalem), l’épisode savoureux de l’annonciation d’Is’hac (Isaac), le bannissement d’Ishma‘él (Ismaël), et enfin l’un des sommets de la littérature biblique: le récit du sacrifice offert par Abrahâm (ch. 22).
Les histoires de Ia‘acob (Jacob) et de Iosseph (Joseph) terminent allégrement le livre sur le thème de la réconciliation et du salut d’Israël et des nations, la promesse faite aux Hébreux du don de leur pays étant confirmée.
La guerre des rois, rapportée au ch. 14, est un texte très ancien, que certains supposent avoir été écrit en akkadien ou en cananéen, puis traduit en hébreu, et dont plusieurs protagonistes sont difficiles à identifier.
La tradition judéo-chrétienne attribue la paternité de ce volume, comme d’ailleurs de tout le Pentateuque (la Tora), à Moshè (Moïse). Cependant, dès le IIe siècle de notre ère, des voix s’élèvent qui mettent en cause cette attribution. Au XIIe siècle, Abrahâm ibn ‘Ezra (Espagne) fait remarquer que plusieurs passages du Pentateuque, notamment le verset 9 du chapitre 31 du Deutéronome, ne pouvaient se concilier avec la thèse traditionnelle. Il fallut cependant attendre les premiers essais de la critique biblique, au XVIIe siècle, pour voir le problème sérieusement soulevé.
C’est alors que Baruch Spinoza et Richard Simon ouvrent la voie à un courant de pensée qui aboutira à la théorie documentaire, adoptée aujourd’hui par la quasi-unanimité des exégètes: le Pentateuque n’est pas l’œuvre d’un seul homme, Moshè; c’est une collection d’écrits rédigés, au cours des siècles, par de nombreux écrivains. Les exégètes fondent leurs conclusions sur des anachronismes, sur l’alternance dans le texte de noms différents pour désigner Dieu, sur la diversité du vocabulaire, du style, et même de l’inspiration. Auprès d’un premier document dit yahwiste (J), il existerait une source élohiste (E), un document sacerdotal (P), et enfin une tradition deutéronomiste (D), tout entière contenue dans le dernier livre du Pentateuque.
Si le morcellement de l’ouvrage semble indéniable quant à son origine, le texte, cependant, résiste à ce traitement de la critique. Il garde une incontestable unité et ne cesse de s’imposer à nous, tant par son contenu que par son style et sa composition.