Jusqu’en 1448, ces deux livres n’en formaient qu’un dans la Bible hébraïque. À cette date, la division existant dans la Vulgate latine y fut introduite et adoptée. Les deux ouvrages sont écrits en hébreu tardif, avec quelques passages en araméen (Esd 4,9 à 6,18; 7,11-26). L’identification de l’auteur et la date de composition dépendent étroitement des solutions données aux mêmes questions pour Paroles des jours (Chroniques). On pense en effet, assez généralement, que ces ouvrages ont eu un seul et même auteur ou rédacteur.
Les renseignements que nous possédons sur la période perse de l’histoire des Hébreux (538-331) se réduisent à ce que l’on trouve dans les deux livres que nous allons lire, et à quelques données éparses chez les prophètes Hagaï (Aggée) et Zekharyah (Zacharie). D’où l’importance du texte dont nous disposons.
Les noms donnés aux deux livres: ‘Ezra (Esdras), « Aide », et Nehèmyah, Néhémie), « Réconfort de Yah », désignent deux personnalités marquantes de cette période. Celle-ci va de l’édit de Cyrus (538) à la seconde visite de Néhémie à Jérusalem, en 432, et à la mission d’Esdras, probablement en 398.
Les événements rapportés par ce livre nous permettent de comprendre comment Israël a pu survivre à la tragédie de son premier exil. Trois retours, des « montées » vers Jérusalem, sont mentionnés. Ils se font sous la conduite de Sheshbasar, de Zeroubabel (Zorobabel) et d’Esdras.
Au total il s’est agi du retour dans leur patrie de plusieurs dizaines de milliers de déportés, au moins soixante mille selon une estimation prudente. La description de leur établissement dans le pays, de la reconstruction des remparts, des maisons et du Temple est criante de vérité, comme aussi ce drame: la répudiation des femmes étrangères et la ségrégation de la communauté juive. J’emploie ce terme puisqu’il s’agit bien ici de la naissance du judaïsme.
Les grands rêves des inspirés de l’époque royale se sont fracassés contre le mur de la réalité. Il s’agissait pour Israël de survivre en attendant le jour de IHVH-Adonaï qui délivrera son peuple de la servitude étrangère. Et pour survivre, pour sauver le souvenir des grandeurs passées et le germe du salut espéré, il fallait se replier sur soi, fût-ce au prix d’un appauvrissement intérieur et au risque de susciter à l’extérieur, aux yeux du cosmopolitisme païen, l’accusation de « haine du genre humain ». Mais Israël n’avait pas d’autre choix. Il était justement nécessaire de reconstruire les remparts et les portes de Jérusalem contre l’hostilité ou l’incompréhension des empires et des puissances tout autour. Sans force, le reste d’Israël, prosterné la face contre terre, devait sauvegarder son ultime chance de survie dans l’attente du salut promis.