Le dixième livre du Nouveau Testament est la lettre de Paul aux chrétiens d’Éphèse. Cette lettre, dont l’authenticité a été mise en question par la critique, constitue cependant le document oecuménique le plus important du Nouveau Testament. La critique se fonde sur l’examen du langage de cette lettre, de son style, de ses conceptions théologiques, de l’usage qu’elle fait de la lettre aux Colossiens et de ses différents emprunts au corpus paulinien, pour contester l’authenticité d’un document qui se trouve cependant au ceur de la tradition paulinienne. L’exégèse traditionnelle admet que cette lettre fut probablement adressée par Paul de Rome aux Éphésiens à l’époque où il écrivait aux Colossiens et à Philémon, entre 61 et 63. On peut brièvement analyser ainsi la structure de ce texte :
Deux remarques se dégagent de la lecture de cette lettre : à l’exception des deux versets concernant Tychicos (6,21-22), son style est étrangement impersonnel, anonyme, pourrait-on dire : l’auteur s’adresse à des lecteurs apparemment inconnus de lui plutôt qu’à des personnes qu’il a converties et qu’il chérit. La seconde remarque concerne le vocabulaire de cette lettre ; il tranche sur celui des autres lettres de Paul : une centaine de mots, dont quelques-uns sont des hapax dans le Nouveau Testament, n’apparaissent jamais ailleurs dans le corpus paulinien. On a décelé dans certains d’entre eux une influence gnostique ; certains autres sont généralement d’un emploi post-paulinien. Les phrases de cette lettre sont d’une longueur et parfois d’une complexité inhabituelles sous la plume de Paul.
Ces faits n’empêchent pas de retrouver dans la lettre aux Éphésiens le grand souffle de l’inspiration paulinienne : l’hymne admirable de 1,3-14 rappelle les poèmes parallèles de 1 Co 13, de Ph 2 et de Col 1. La lettre aux Éphésiens était connue de Clément de Rome, d’Ignace d’Antioche, d’Hermas, de Polycarpe et de l’auteur des Lettres pastorales, c’est-à-dire vers la fin du Ier siècle. Les plus anciens recueils des lettres de Paul la comprennent. Elle fait partie du canon du Nouveau Testament dès la fin du IIe. L’attribution de ce texte à Paul ne fit aucun doute pour personne jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Depuis, la critique biblique tend à douter de l’authenticité paulinienne de ce texte, qui a peut-être été rédigé par un secrétaire ou un disciple, sans rien lui enlever pour autant de son importance historique ni de sa valeur théologique. La théologie qui se dégage des six chapitres d’Éphésiens se fonde sur l’universel amour de IHVH-Adonaï Elohîms, créateur des ciels et de la terre, sauveur de l’humanité et père du messie Iéshoua‘. Le seul Elohîms est ici l’Elohîms d’Abrahâm et d’Israël, éternel, ineffable, sacré. La lettre se distingue des enseignements des pharisiens, des esséniens ou des sadducéens en reconnaissant Iéshoua‘ pour messie et fils d’Elohîms. Par la crucifixion de Iéshoua‘, son fils, Elohîms remporte une victoire d’amour, source d’une rédemption universelle.