La petite ville de Colosses, en Phrygie, était située à 200 kilomètres à l’est d’Éphèse. Elle n’a pas été évangélisée par saint Paul, mais par son disciple Épaphras (I, 4, 7 ; II, 1), qui en était originaire (IV, 12). Les chrétiens de Colosses venaient en majorité du paganisme (I, 13, 21, 27), mais il devait y avoir aussi parmi eux quelques Juifs, à en juger d’après les erreurs que combat l’apôtre (II, 11-16). Le milieu a été de tout temps assez exalté, un peu à l’image du pays, au relief tourmenté. La Phrygie était la patrie du culte de Dionysos, des mystères de Cybèle et d’Attis, avec leurs mutilations sanglantes ; la philosophie de Thalès y avait popularisé le culte des esprits. C’est également en Phrygie qu’apparaîtra deux siècles plus tard le montanisme avec ses extravagances. Il n’est donc pas surprenant que les premiers missionnaires aient dû s’opposer dans cette région à un engouement imprudent pour des erreurs assez troubles et à la prétention de posséder une doctrine ou gnose supérieure, réservée à un groupe d’initiés (II, 18).
L’occasion de l’épître fut une visite d’Épaphras qui, tout en rendant à saint Paul bon témoignage des Colossiens (I, 4 ; II, 5 ; IV, 12), dut lui signaler les dangereuses tendances qui se faisaient jour dans la chrétienté naissante. Paul écrit donc aux fidèles de Colosses pour les exhorter à la vie chrétienne et les détourner des faux docteurs.
Les erreurs qu’il combat ne sont mentionnées que par allusions. Voici ce qu’on peut conjecturer sur leur origine et leur nature. Les novateurs affectaient un culte exagéré des anges, et tendaient à exalter leur dignité et leur médiation au-dessus de celle du Christ, peut-être sous l’influence de spéculations orientales qui concevaient Dieu comme transcendant au monde, au point de ne pouvoir entrer en relation avec lui que par le moyen d’intermédiaires indéfiniment multipliés : principautés, puissances, etc. (I, 16 ; II, 10, 18). C’était une sorte de gnosticisme avant la lettre, imprécis et rudimentaire, prélude de la gnose hérétique dont le développement a troublé si gravement l’Église au IIe et au IIIe siècle. Il s’y superposait une doctrine d’ascèse qui prônait des abstinences excessives, inspirées sans doute d’une philosophie dualiste qui considérait la matière comme mauvaise, et des pratiques judaïsantes concernant la circoncision, les aliments et les fêtes. Voir surtout II, 11-23.
Saint Paul réfute ce syncrétisme nébuleux et mal équilibré en exaltant la transcendance du Christ, sa supériorité sur les anges, sa divinité, son pouvoir créateur, son rôle comme chef de l’Église, et la réconciliation du monde avec Dieu par son sang. La christologie en germe dans les épitres précédentes reçoit ainsi des explicitations et des développements importants. L’opinion commune place la rédaction de l’épître aux Colossiens en 62 ou 63, à Rome plutôt qu’à Césarée, un peu avant l’épître aux Éphésiens qui en reprend partiellement les enseignements sous une forme plus générale et plus achevée. (Voir Introduction à cette épitre). L’authenticité, jadis assez attaquée malgré les témoignages très fermes de la tradition, est plus généralement admise aujourd’hui.