Jérémie Introduction - AMI

Sa vie nous est bien connue, tant par ce qu’il nous en livre lui-même que par les détails biographiques dus à son secrétaire Baruch. Fils du prêtre Helcias, il naquit vers 650, dans la banlieue de Jérusalem, au petit bourg d’Anathoth ; appelé au ministère prophétique en 628, il vécut les dernières années du royaume de Juda ; après la prise de Jérusalem en 586 et l’assassinat du gouverneur Godolias, ses compatriotes l’entraînèrent en Égypte (XLI – XLIII), où ils finirent par le lapider, s’il faut en croire une tradition.
Son livre, comme bien d’autres écrits prophétiques, présente un certain désordre, provenant de ses origines. 1° Les chapitres I – XXV et XLVI – LI, dictés par Jérémie à son secrétaire Baruch (XXXVI) en 605 ou 604, contiennent des menaces contre Juda et les nations païennes, suivant un ordre généralement chronologique. 2° XXVI – XXXV furent sans doute édités par Baruch après la chute de Jérusalem ; ils renferment de nombreuses notices historiques, où Jérémie est désigné à la troisième personne, et qui servent de commentaires aux oracles. Leur objet principal est de raconter quelles luttes dut soutenir Jérémie contre les prêtres et les faux prophètes, au temps des derniers rois de Juda. On y trouve les beaux chapitres XXX – XXXIII, où, à l’époque du siège de Jérusalem, le Prophète annonce la restauration future. 3° XXXVI – XLV semblent également avoir été rédigés par Baruch, en manière d’apologie de son maître ; il y a recueilli plusieurs épisodes et divers oracles, qui se rapportent à l’activité de Jérémie pendant et après le siège de Jérusalem.
Le style en est simple et naturel ; il n’est point brillant comme celui d’Isaïe ; mais sa spontanéité, sa sincérité s’épanouissent parfois en d’admirables morceaux lyriques.
Le règne de Josias (640-609) et la grande réforme religieuse entreprise par ce roi étaient pleins de promesses pour les Israélites fidèles (voir notes sur IV Rois XXII – XXIII) ; le jeune Jérémie, malgré sa timidité et sa défiance de soi-même (cf. I) est aux mains du Seigneur un instrument de choix. Pour ramener Israël au respect de l’Alliance, il fait appel à la tradition comme à la raison et au sens moral, il formule promesses et menaces. La réforme de Josias l’enthousiasme ; mais elle dégénère bientôt en un formalisme sans âme (VI, 19-20). La mort tragique de Josias à Mageddo est pour le peuple une grande désillusion, sinon un scandale. Subissant tour à tour les influences égyptienne et babylonienne, dont il attend un salut facile, croyant à une vertu magique du Temple et de la Loi, Israël s’achemine vers sa ruine. En vain Jérémie s’élève-t-il contre une telle attitude. Contre le formalisme, il prêche l’idéal de la vraie religion : connaître Dieu, adhérer de cœur à sa Loi, en pratiquer l’esprit et non seulement la lettre. Il ne craint même pas de se dresser contre les rois prévaricateurs qui font tant regretter Josias (cf. XXII). Prophète de malheur, il est en butte aux persécutions, ses ennemis se multiplient ; le drame d’Israël devient le drame intérieur de Jérémie. En marge de la société, tenté de déserter son ministère, il en arrive à maudire sa naissance ; mais l’intervention divine clôt cette crise d’âme ; s’il apprend à « se tenir devant la face » du Seigneur, Jérémie sera inébranlable : c’est un véritable appel à la contemplation (cf. XV, 10-21 et XX), c’est la découverte de la vie intérieure. Il comprend désormais que, pour réaliser sa vocation de témoin de Dieu, Israël doit rompre les attaches terrestres.
Le Prophète voit d’ailleurs s’accomplir ses menaces. Prise une première fois en 597, Jérusalem, de nouveau rebelle, tombe une seconde fois au pouvoir de Nabuchodonosor en 586. L’Exil commence. Dans ces moments tragiques, Jérémie projette dans l’avenir sa propre expérience religieuse : tout ne disparaîtra pas, un petit reste subsistera, par quoi Dieu préparera la restauration messianique (encore conçue dans le cadre national); les épreuves et les souffrances montreront, à ceux qui resteront fidèles, la voie vers Dieu et vers la « nouvelle Alliance » (XXX – XXXIII).
Jérémie, en qui les Pères de l’Église ont vu l’annonce du Christ souffrant, a donc apporté par sa vie, ses épreuves et son expérience mystique, une contribution importante au développement doctrinal de l’Ancien Testament. Il a précisé le caractère intérieur de la vraie religion, l’union intime avec Dieu ; il a annoncé la responsabilité de chacun et le salut individuel, la loi nouvelle inscrite dans le cœur des hommes.

Sommaire