Psaumes Introduction - AMI

C’est par excellence le livre de prières des Juifs et des Chrétiens, à la suite de l’ancien Israël. Or, on ne pourrait comprendre les Psaumes si l’on oubliait le génie lyrique du Peuple élu : il chantait ses joies et ses souffrances collectives, il chantait ses prières et son Dieu, ses espérances matérielles ou spirituelles. Dans ce but, il sut adapter à la communauté des poèmes souvent personnels, adapter aussi à des besoins nouveaux les psaumes antérieurs. Par suite, le texte de chacun d’eux a pu subir, depuis son origine, de fréquentes modifications, compléments ou simplifications, pour mieux exprimer la piété et les besoins de telle ou telle époque ; il est donc souvent très difficile de retrouver la teneur primitive d’un psaume, comme d’en identifier l’auteur.
Cette dernière recherche trouve une aide sérieuse dans la tradition juive et chrétienne, dans la critique interne (par exemple le Psaume CXXXVII doit évidemment son origine aux temps de l’Exil), et dans les titres qui précèdent la plupart des psaumes. Ces titres, très anciens, mais non inspirés, sont des indications parfois énigmatiques, que les versions n’ont pas toujours comprises ; elles sont d’ordre musical (« avec les harpes », comme accompagnement ; « Sur la Gitthienne », peut-être la mélodie empruntée, etc.)
littéraire (psaume, poème, prière, cantique d’amour, etc.)
parfois historique (une douzaine de psaumes se réfèrent à certaines circonstances de la vie de David
ou liturgique ; souvent enfin on nomme le recueil utilisé. Mais l’intérêt principal de ces titres réside dans les attributions mentionnées pour les deux tiers du Psautier ; les auteurs le plus souvent nommés sont les fils de Coré et les fils d’Asaph (deux lignées sacerdotales qui enrichirent au cours des âges leurs recueils particuliers), mais surtout David, titulaire de la moitié environ des psaumes : si parfois on a des raisons sérieuses de mettre en doute cette attribution, on n’est point fondé à lui refuser l’ensemble ; ce serait aller contre la tradition très sûre qu’attestent déjà les Livres des Rois ; il ne faut pas affirmer toutefois que nous possédions sans altérations le texte même où s’exprimait l’âme de l’aimable chantre d’Israël.
Le Psautier, en effet, a toute une histoire. Les premiers patriarches avaient connu la poésie religieuse babylonienne ; lors de l’Exil, les Juifs prirent avec elle un nouveau contact ; d’autres civilisations du Proche-Orient biblique donnèrent des œuvres analogues, dont la beauté nous impressionne encore. Israël a pratiqué lui aussi le genre psalmique, mais en fonction de sa religion, c’est-à-dire d’une manière originale ; avant même les grands rois, existaient des chants religieux et des poèmes de circonstance, dont nous sont parvenus quelques échos. Plus encore que les individus, des chantres spécialisés se consacrèrent à la psalmique, dès l’organisation du culte par David ; plus tard, prophètes et sages apportèrent leur contribution. De là naquirent diverses collections, que l’on peut encore distinguer (par exemple « Cantiques des montées » à Jérusalem, c’est-à-dire des pèlerinages). Elles furent peu à peu réunies en cinq grands recueils, les cinq livres actuels du Psautier (II – XLI, XLII – LXXII, LXXIII – LXXXIX, XC – CVI, CVII – CL). Cette œuvre de concentration ne s’acheva vraisemblablement qu’au IIIe siècle av. J.-C., quand les cinq livres furent réunis et dotés d’un prologue qui est le Psaume I. (Remarque : la numérotation des psaumes n’est pas la même en hébreu et dans les versions ; c’est cette dernière que suit la présente édition ; quelques psaumes sont en effet réunis ou disjoints différemment, et l’hébreu compte généralement un nombre en plus).
On comprend dès lors la grande variété des psaumes : hymnes à la louange de Dieu ou de son sanctuaire ; prières d’actions de grâces, de confiance, de demande ou de pénitence ; cantiques proprement liturgiques ; poèmes sapientiaux ; chants nationaux ou royaux ; psaumes prophétiques et messianiques. Toute classification stricte demeurerait d’ailleurs arbitraire, car, nés et se transformant en pleine vie, les psaumes ne redoutent pas le mélange des genres : ils reflètent tous les sentiments d’une âme pieuse, ainsi que leur milieu historique et religieux d’origine. Ce n’est pas leur moindre intérêt : on y perçoit l’écho des grands événements qui marquèrent l’histoire d’Israël.
On y constate aussi le développement des idées religieuses vers le Christ. Le culte s’intériorise sous l’influence des grands prophètes (Psaume L, 7-21). Les imprécations contre des ennemis, que légitimaient les rudes mœurs d’autrefois, les réalités de la guerre et le désir d’une stricte justice, s’estompent, tempérées par une charité grandissante. Le problème du mal et de la rétribution est posé fréquemment (Psaumes XXXV, XXXVII) ; comme Job, on s’en remet, avec une foi émouvante, à la puissance du Dieu juste (Psaume LXXXVIII, 10-13) ; la solution sera enfin entrevue par les Psaumes XLIX et LXXIII. Le grand libérateur sera le Messie, roi, prêtre et prophète (Psaume CX, etc.). Mais on ne peut que donner une vue très imparfaite de l’enseignement des Psaumes, car le Psautier est, sous forme de prière, le résumé fidèle de la foi, de l’espérance et de l’amour d’Israël orienté vers le Messie.

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