Matthieu Introduction - AMI

Le plus ancien de nos Évangiles a pour auteur le publicain Matthieu, chef du bureau de douane de Capharnaüm, que le Sauveur invita à le suivre (IX, 9) et dont il fit un apôtre (X, 3). Saint Matthieu a composé son récit, probablement entre 42 et 50, ou au plus tard vers 60, en langue araméenne, dialecte voisin de l’hébreu et qui l’avait supplanté en Palestine. L’original araméen a disparu de bonne heure ; nous ne possédons qu’une traduction grecque, dont l’auteur est inconnu mais dont il n’est pas impossible qu’il soit l’Évangéliste lui-même. Certains pensent que le traducteur a utilisé l’Évangile de saint Marc, paru dans l’intervalle, mais ce point est discuté. En toute hypothèse, l’Évangile grec est antérieur à la destruction de Jérusalem par Titus, en 70.
Matthieu écrit pour les convertis d’origine juive. C’est pourquoi il insiste sur la réalisation des prophéties en la personne du Sauveur et sur la continuité de la Loi mosaïque et de l’Évangile. Il aurait pu mettre en exergue la parole du discours sur la montagne : Ne pensez pas que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu les abroger, mais les parfaire. (V, 17) Le Juif qui se fait chrétien n’a donc pas à renier ce qui était la gloire et le trésor spirituel du peuple élu ; il retrouve tout, épuré et perfectionné, dans l’Évangile.
L’Évangéliste s’attache à montrer que Jésus est le Messie annoncé par les prophètes, l’héritier des promesses faites à David, et en outre le propre Fils de Dieu, investi de l’autorité même du Père céleste : on le voit, en effet, réformer la Loi donnée par Dieu à Moïse, remettre les péchés, exercer sur la nature et sur les hommes un pouvoir souverain (XXVIII, 18). Par sa mort rédemptrice et par le moyen de l’Église fondée sur Pierre (XVI, 18-19), il vient établir le Royaume de Dieu, destiné à toute l’humanité et non plus restreint, comme l’ancienne Alliance, au peuple d’Israël.
Peu soucieux de détails concrets et de couleur locale, saint Matthieu simplifie le récit des événements. Il reproduit par contre avec prédilection les enseignements du Sauveur ; il groupe les plus importants en plusieurs discours (Discours sur la montagne : V, 1 – VII, 27 ; Instructions aux apôtres envoyés en mission : X, 5-42 ; Paraboles du Royaume de Dieu : XIII, 1-58 ; Qualités requises des membres du Royaume : XVII – XVIII ; Anathèmes contre les pharisiens : XXIII, 1-39 ; Discours sur la ruine de Jérusalem et la fin du monde : XXIV – XXVI), où il juxtapose volontiers des paroles prononcées en des circonstances différentes, mais qui se complètent et s’éclairent ; sa manière est donc plus didactique que chronologique.
L’Évangile qu’il nous a laissé est le plus complet des quatre. Il offre, en un style d’une solennité noble et d’un hiératisme voulu, un magnifique ensemble d’une grande richesse doctrinale et éminemment propre à l’enseignement. « Il n’a pas le réalisme expressif de Marc, ni au même degré la grâce attendrie de Luc, ni le regard de Jean fixé sur les choses divines ; il a plus de paroles de Jésus, simples et droites, et si pénétrantes qu’on croit les entendre avec l’accent et presque les intonations qu’elles avaient sur ses lèvres. Aussi le plus ancien témoin de la tradition ecclésiastique, Papias, a-t-il vu dans l’Évangile de Matthieu surtout les Paroles divines. » (Lagrange, Évangile selon saint Matthieu, avant-propos).

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