On peut tout au plus affirmer que ce prophète des temps postexiliens vivait à Jérusalem, sinon en Judée ; mais son livret, aux tableaux pleins de mouvement, compte parmi les plus belles pages littéraires de la Bible. Il comprend deux parties, qui reprennent le même thème dans des perspectives différentes :
1° I – II, 27. Au temps de Joël, le pays de Juda connut une invasion extraordinaire de sauterelles (I, 1-12) ; le fléau eut des suites tellement graves que le Prophète, éclairé par Dieu, y vit le châtiment des fautes d’Israël ; aussi invita-t-il le peuple au repentir, les prêtres à la prière (I, 13-20). Bien plus, il regarde la calamité comme l’inauguration du « jour de Yahweh », cette manifestation du Seigneur venant aux derniers temps juger le monde et instaurer son royaume définitif ; dans cette pensée, Joël reprend la description du fléau en termes apocalyptiques et invite de nouveau à la prière et au repentir (II, 1-17). Il reçoit de Dieu un oracle de salut, la promesse que la calamité va cesser, et que le pays retrouvera sa prospérité : car le Seigneur demeure parmi les siens (II, 18-27)
2° III, 1 – IV. Cette deuxième partie transporte le lecteur aux derniers temps et décrit in extenso le Jour du Seigneur annoncé précédemment : il n’aura rien de redoutable pour Israël (III, 1-5), qui recevra des faveurs spirituelles extraordinaires, l’effusion de l’Esprit de Dieu (cf. Ézéchiel XXXVI, 26-37) avec tous ses effets charismatiques (cf. Actes II, 17-21). Des prodiges cosmiques annonceront le jugement des païens ; c’est en vain qu’ils se révolteront, ils n’échapperont pas à la destruction. Mais les Israélites sauvés seront réunis dans la Terre Sainte transformée en paradis ; et le Seigneur y résidera à jamais au milieu de son peuple (IV).
Cet enseignement est caractéristique. Si déjà l’absence de roi à Jérusalem, où cependant le Temple existe, la mention des Perses et même des Grecs, une citation probable d’Abdias verset 17 (cf. III, 5), invitent à dater le livre du Ve siècle, il faut ajouter que la doctrine de Joël corrobore cette opinion : ses préoccupations cultuelles, son exposé détaillé du Jour du Seigneur, et plus encore le tour nationaliste de son espérance messianique, font penser aux années qui suivirent la réforme d’Esdras et de Néhémias, à la fin du Ve siècle, Néanmoins cette quasi-xénophobie qui l’anime est tempérée providentiellement, peut-être à son insu, par l’espérance d’un salut malgré tout universel : II, 32.