Ephésiens Introduction - SAC

Comme l’apôtre saint Paul avait contracté une liaison particulière et une étroite amitié avec les fidèles de la ville d’Éphèse, où il avait demeuré trois ans en divers voyages qu’il y avait faits, Actes, XIX, 1 et 10, et XX, 31, il craignit que Timothée, qu’il avait chargé du soin de ces fidèles en quittant la Macédoine, I Tim., I, 3, n’eût pas assez d’autorité sur leurs esprits, et qu’en son absence ils ne se fussent laissé corrompre, ou par les hérétiques, ou par les Juifs nouveaux convertis. Pour y remédier, il crut qu’il était de son devoir de leur écrire pour les fortifier dans la doctrine qu’il leur avait enseignée ; et c’est ce qu’il fait dans cette lettre, où il leur répète ce qu’il leur avait dit si souvent touchant la nécessité de la foi en Jésus-Christ pour être justifié, et l’inutilité des observances judaïques ; il leur représente que l’Évangile ayant réuni sous une même foi les Gentils et les Juifs, les uns n’avaient aucun sujet de s’élever au-dessus des autres, tous ayant été également par leur naissance des enfants de colère, et que, s’étant souillés de nouveau, par divers crimes, ils ne devaient tous qu’à la miséricorde de Dieu leur vocation à l’Évangile, et leur justification : vocation et justification toutes gratuites, ajoute cet apôtre, qui a été un mystère jusqu’ici caché aux anges mêmes, et pour lequel vous devez à Dieu une éternelle reconnaissance. C’est ce qu’il établit dans les trois premiers chapitres de cette lettre ; car il emploie les trois derniers à leur prescrire des règles pour se conduire avec sainteté dans les divers états où Dieu les a mis.

L’apôtre écrivit cette lettre lorsqu’il était dans les prisons de Rome, comme il le marque lui-même en trois endroits, où il parle de ses liens, v. 1, chap. III, v. 1, chap. IV, et v. 20, chap. VI. On ne sait point certainement si l’on doit appliquer ce qu’il dit de ses liens ou à sa première ou à sa seconde captivité. La plus commune opinion l’attribue à la première, l’an 62 de l’ère vulgaire, la vingt-neuvième année après la mort de Jésus-Christ, et appuie ce sentiment sur ce que l’apôtre a dit, chap. VI, v. 21 et 22, qu’il leur envoyait Tychique, et sur ce que ce disciple fut également le porteur de cette lettre et de celle aux Colossiens, que l’on croit avoir été écrite et envoyée la même année ; cependant c’est ce qu’il ne paraît pas encore être certain, d’autant que saint Paul, II Tim., IV, 12, dit qu’il a envoyé Tychique à Éphèse. Or il est évident que cette lettre à Timothée a été écrite dans le temps de la dernière captivité de l’apôtre, l’an 66 de l’ère vulgaire, trente-trois ans après la mort de Jésus-Christ, outre que la lettre aux Colossiens porte conjointement le nom de l’apôtre et celui de Timothée ; et que celle-ci, aux Éphésiens, ne porte que le nom de l’apôtre et celui de Timothée ; et que celle-ci, aux Éphésiens, ne porte que le nom seul de saint Paul ; ainsi il ne paraît pas qu’elles aient été écrites dans le même temps. L’auteur de la Synopse attribuée à saint Athanase dit, mais contre toute apparence, que l’apôtre écrivit cette lettre aux Éphésiens, ne les ayant point encore vus ni visités, mais les connaissant seulement de réputation, puisque ce système établirait une époque très-différente de celle de la captivité de l’apôtre, et des voyages qu’il avait faits à Éphèse.

Marcion, au rapport de Tertullien, advers. Marc., lib. V, cap. XI et XVII, selon Rigault, citait cette lettre sous le nom de l’Épître aux Laodicéens, peuples dont l’apôtre parle, Coloss., II, 1 ; mais ce Père l’accuse de lui avoir donné ce faux titre ; et saint Épiphane, Hœres., XLII, dit la même chose. D’autres croient que cette lettre a pu recevoir ce titre, parce qu’ils supposent que l’Église d’Éphèse, à laquelle cette lettre fut d’abord adressée, ayant jugé à propos d’en envoyer des copies à plusieurs autres Églises de l’Asie, elle ajouta à quelques-unes les noms des Églises auxquelles elle les envoyait ; et qu’à l’égard de quelques autres elle se contenta de mettre simplement cette adresse générale : A ceux qui sont... et aux fidèles en Jésus-Christ, comme on a coutume de faire dans les inscriptions des lettres circulaires ; et en effet, quelques exemplaires grecs ne portent point d’autres inscriptions, selon la remarque de saint Basile, contr. Eunom., lib. II, et saint Jérôme sur cette Épître.

Cette Épître, principalement dans les trois premiers chapitres, contient des dogmes très-sublimes et très-élevés, qui ont rapport à ceux que l’apôtre a exposés dans son Épître aux Romains ; mais les expressions en sont peut usitées, les phrases entrelacées, les sens suspendus et l’intelligence difficile.