Job Introduction - SAC

Ce livre porte le nom de JOB, parce qu’il en contient l’histoire, et que plusieurs croient qu’il en est aussi l’auteur. Quelques anciens Pères de l’Église, grecs et latins, entre autres Origène et saint Grégoire, prétendent que c’est Job lui-même qui a écrit en arabe, langue naturelle de son pays ; et ils établissent ce sentiment sur le désir qu’il en a marqué lui-même au chap. XIX, v. 23 : « Qui m’accordera que mes paroles soient écrites ? etc. » ; et chap. XXXI, v. 35 ; et ils ajoutent que c’est Moïse qui l’a traduit en hébreu. D’autres prétendent qu’il n’en est pas le simple traducteur, mais aussi l’auteur, et qu’il le composa à Madian, chez Jéthro son beau-père, quelques années avant la sortie d’Égypte, dans le dessein de consoler, par l’exemple de la patience de Job, les Israélites, ses frères, qui étaient alors accablés sous le joug cruel des Égyptiens. Ceux du premier sentiment s’appuient sur plusieurs raisons, et disent : 1° qu’il n’est pas possible de concevoir qu’aucun autre que celui qui a souffert ces terribles épreuves ait pu faire un récit aussi vif, aussi touchant, et aussi exactement circonstancié que l’a fait l’auteur de ce livre ; 2° que son style est tout différent de celui des autres livres de l’Écriture ; que ses tours, ses expressions, et ses termes arabes, ses manières particulières de s’exprimer, et ses sens si suspendus, lui donnent un caractère tout spécial ; 3° que son antiquité paraît par le grand nombre des années de sa vie, par le profond silence qu’il garde au sujet de la loi de Moïse, par l’usage où il était d’offrir ses victimes et ses sacrifices à Dieu sans le ministère des prêtres. Toutes ces circonstances, disent-ils, portent naturellement à croire que Job est le plus ancien auteur du monde, et que Moïse ne peut avoir eu d’autre part à ce livre que d’en avoir été le traducteur et l’interprète.

Mais, contre ce sentiment, d’autres soutiennent, comme saint Grégoire de Nazianze, que ce livre est l’ouvrage d’un auteur plus récent que Job et que Moïse ; quelques-uns même l’attribuent à Salomon, d’autres à Isaïe ; et voici les raisons qu’ils allèguent : 1° que Moïse n’a jamais cité ce livre ni cet exemple, ce qu’il n’aurait pas manqué de faire, surtout dans diverses occasions où cela paraissait nécessaire ; 2° qu’au chap. XV, v. 19, il paraît qu’alors la terre de Chanaan avait été donnée en partage au peuple de Dieu ; qu’au chap. XXVI, v. 12, il semble faire allusion au passage de la mer Rouge, où les Égyptiens furent submergés ; enfin qu’au chap. XIX, v. 25, il parle de la résurrection d’une manière claire, qui ne convient point à ces premiers temps, mais à ceux de Salomon et d’Isaïe ; 3° qu’on ne doit pas s’étonner de quelques expressions arabes, parce que Salomon paraît avoir su cette langue par les entretiens qu’il a eus avec la reine de Saba. Mais il est aisé de répondre à ces objections, qu’elles ne sont appuyées que sur des conjectures légères, sur de simples vraisemblances, et sur des rapports apparents. Quelques auteurs modernes, aussi bien que quelques rabbins, ont combattu la vérité de l’histoire de Job, et ont prétendu que ce n’est qu’une fiction et qu’une parabole. D’autres soutiennent que cette histoire dans le fond est véritable, mais qu’elle a été embellie et enrichie de quelques circonstances par un auteur plus récent ; et ils assurent qu’on ne trouve point dans les histoires anciennes de pareilles fictions d’un dialogue entre Dieu et le démon ; qu’outre cela, il n’est pas possible de placer cette histoire dans la chronologie, ni de trouver le lieu de la demeure de Job dans la géographie. Mais ces raisons de douter s’évanouissent sitôt qu’on voit dans la Genèse un pareil dialogue du démon avec Ève, et de Dieu avec le démon ; lorsque l’on voit dans cette histoire tous les caractères de la vérité, le nom de toutes les personnes qui y sont intéressées, le pays et le lieu suffisamment décrits ; que ce livre est cité dans Tobie, dans Ézéchiel, qui, au chap. XIV, v. 20, met Job au nombre des justes de l’Ancien Testament, avec Noé et Daniel ; qu’enfin l’apôtre saint Jacques, chap. V, v. 11, le donne aux chrétiens comme un modèle de patience, ce qu’il n’aurait pas osé de proposer de bonne foi, si ce n’avait été qu’une simple parabole ou une patience feinte et supposée. Saint Chrysostome a cru si sincèrement à la vérité de cette histoire, qu’il disait de son temps à son peuple : « Que quelqu’un d’entre vous entreprenne le voyage de l’Arabie, il y verra le lieu où Job souffrit ses maux avec “tant de patience sur son fumier”, il s’inclinera à son aspect, il baisera la terre qui a été arrosée du sang de ses ulcères. »

Quoique Josèphe ne comprenne pas nommément le livre de Job dans le canon des Juifs, il peut bien se faire qu’il l’ait renfermé sous le nombre général des treize qu’il met dans la seconde classe, puisque Philon ne l’a pas oublié, et que les anciens Pères qui ont observé, comme Josèphe, dans leurs catalogues le nombre des vingt-deux lettres hébraïques, y comprennent nommément le livre de Job, ainsi que l’on fait Origène, saint Athanase, Eusèbe, etc. De plus, il a été traduit en grec par les Septante, et ainsi reconnu par les Juifs au nombre de leurs livres.

A l’égard du nom de famille et le pays de Job, si l’on en croit l’addition qui se trouve à la fin de la version grecque de ce livre, il demeurait dans la terre d’Ausitide, vers les confins de l’Idumée et de l’Arabie ; il avait le nom de Jodab, et était le cinquième de la race d’Abraham ; et cette généalogie se trouve conforme à ce qui est rapporté au chap. XXXVI, v. 33, de la Genèse, au sujet des rois de l’Idumée. Cette addition est très-ancienne ; elle se trouve dans les anciennes versions grecques, dans Théodotien, Origène, saint Chrysostome, et saint Jérôme ; et plusieurs autres l’ont reconnue, quoiqu’elle ne se trouve point dans l’hébreu du temps même de saint Jérôme. C’est ce qui a fait dire à saint Augustin (de Civit., lib. XVIII, cap. XLVII, tom. VII, p. 530) que Job était le troisième après Jacob, et qu’il était Iduméen.

Saint Jérôme, sur la foi de quelques Juifs, prétend que la première partie du livre de Job contenue dans les deux premiers chapitres, et la troisième qui commence, selon ce Père, au v. 6 du XLIIe chapitre jusqu’à la fin, est écrite en prose, et que tout le reste est écrit en vers ; mais tout ce que l’on peut dire là-dessus, c’est qu’en effet ce livre est composé d’une manière poétique, c’est-à-dire figurée, emphatique, et d’un style fort au-dessus des manières de parler ordinaires, sans y ajouter rien de plus.

Le principal objet de ce livre est que Job a pour but de guérir les hommes, dans ses amis, du scandale qu’ils prennent ordinairement de l’affliction des justes et de la prospérité des impies, et de faire éviter au juste aussi bien qu’à l’impie, ce blasphème, de croire que Dieu ne se mêle en aucune façon de ce qui se passe dans le monde, ou de l’accuser d’injustice en opprimant également du poids de sa colère et le juste et l’impie. Job soutient que l’affliction n’est pas toujours un signe du châtiment et de la colère de Dieu, mais une épreuve de la fidélité du juste ; et que la prospérité aussi n’est souvent que par exception la récompense de l’innocent ; qu’enfin Dieu distribue les biens et les maux de cette vie aux hommes avec sagesse et selon les vues secrètes de sa providence.