Daniel Introduction - SAC

Daniel était de la tribu de Juda, et de race royale ; car c’est ainsi que les Juifs expliquent le verset 3 du chap. I de ce livre. (Voyez Josèphe.) Il fut du nombre de ceux qui furent emmenés à Babylone par Nabuchodonosor, la quatrième année du règne de Joachim, dit Jéchonias, roi de Juda, selon ce qui a été prédit par Isaïe, chap. XXXIX, v. 7. Ce prophète n’avait alors que douze ans, et fut choisi avec trois autres jeunes Juifs de la même tribu pour être élevé à la cour de Nabuchodonosor, et nourri aux dépens de ce prince, et il y reçu le nom de Baltassar, nom commun aux rois et aux princes des Chaldéens. Sa fermeté dans l’observance des préceptes et des commandements de Dieu, le progrès qu’il fit des sciences humaines et divines, le don de prophétie et de révélation, et les grâces extraordinaires que Dieu lui communiqua, le rendirent célèbre et recommandable à la cour, et le firent estimer généralement de tous, et des Juifs, ses frères. Ézéchiel même ne fait pas de difficulté de le mettre, quoique encore vivant, au nombre des patriarches Noé et Job, dont la sainteté et les prières pouvaient fléchir la colère de Dieu irrité contre son peuple. (Voyez Ézéch., ch. XIV, v. 14, et ch. XXVIII, v. 3) Sa réputation s’était établie par le jugement qu’il prononça contre deux infâmes vieillards qui avaient insulté à l’innocence de Susanne, ch. XIII ; par l’explication des songes de Nabuchodonosor, ch. II et IV ; et de la vision de Baltassar, ch. V ; par la découverte des supercheries des prêtres de l’idole de Bel, ch. XIV ; par sa délivrance de la fosse aux lions, ch. VI et XIV ; enfin par la sublimité de ses révélations et de ses prophéties. Il a prophétisé depuis la cinquième année de la captivité de Joachim ou Jéchonias, jusqu’au règne de Cyrus, c’est-à-dire pendant plus de quatre-vingts ans, et l’on croit qu’il en a vécu quatre-vingt-quatorze, puisqu’il fut emmené en captivité la troisième année de la captivité de Joachim, ch. I, v. 1, l’an du monde 3397 ou 3398, et qu’il a prophétisé jusqu’à la troisième année du règne de Cyrus, ch. X, v. 1, l’an 3470. On ne sait point s’il est revenu à Jérusalem au retour de ses frères ; car on croit qu’il mourut à Babylone : c’est le sentiment de l’auteur du livre de la Vie et de la Mort des Prophètes, attribué à saint Épiphane.

On peut considérer le livre de Daniel comme ayant trois parties : la première, contenue dans les six premiers chapitres, renferme l’histoire de Nabuchodonosor depuis le commencement de son règne jusqu’au renversement de son empire par les Mèdes et par les Perses ; la seconde comprend les six autres chapitres suivants, qui contiennent les visions que Daniel à eues pendant tout ce temps ; enfin la troisième renferme trois faits historiques qui avaient comme échappé de la première partie, savoir : l’histoire de Susanne, celle de Bel, et la seconde délivrance de Daniel de la fosse aux lions. Cette dernière partie n’est composée que de fragments qui n’ont pas eu chez les Juifs la même autorité que les deux premières ; ils ont été omis dans leur canon, aussi bien que l’oraison et le cantique d’Azarias qui commence au verset 24 et finit au verset 91 du chap. III ; ainsi ils ne se trouvent point dans l’hébreu, ni dans la version des Septante, ni dans le chaldéen, mais dans la version grecque de Théodorien, d’où saint Jérôme les a pris ; c’est ce qui a partagé les sentiments de quelques Pères sur l’autorité que peuvent avoir ces fragments. Africanus, Eusèbe, Apollinaire, ne les ont point compris dans le même rang que les livres sacrés ; mais ils sont cités par saint Irénée, Clément d’Alexandrie, Tertullien, et presque tous les anciens Pères ; plusieurs même d’entre eux ont soutenu la vérité des faits qu’ils renferment, comme Origène, qui a combattu Julien l’Africain, qui en rejetait les histoires comme apocryphes. Porphyre, dans un livre spécial, avait osé attaquer non-seulement ces fragments, mais tout le livre de Daniel, et soutenait qu’il n’était point l’ouvrage de ce prophète, mais de quelque Juif helléniste qui vivait du temps d’Antiochus Épiphanès, prétendant que les prophéties étaient si claires, qu’elles ne pouvaient être écrites qu’après leur accomplissement ; mais il a été réfuté par Méthodius, Eusèbe et Apollinaire.

Le premier chapitre de ce prophète jusqu’au verset 4 du chap. II, est écrit en hébreu ; et les versets suivants, jusqu’au chap. VIII, sont écrits en chaldéen, langue du pays où Daniel demeurait alors ; le reste ne se trouve que dans la version de Théodotien. Les Juifs n’ont point donné le nom de prophète à Daniel, parce que sa naissance et la place qu’il occupait à la cour lui donnaient un rang et un titre plus élevé parmi ces peuples étrangers ; cependant il en a reçu le titre de Jésus-Christ même, Matth., ch. XXIV, v. 15, et avec justice, puisque, comme dit saint Jérôme, « en prédisant l’avenir, il l’a fait avec tant d’évidence et un si juste détail, qu’il semble ne pas prédire des choses futures, mais rapporter des événements passés ».

Le style de ce prophète est naturel, aisé, et tient beaucoup plus de l’historien que du prophète ; mais ses révélations et ses prophéties sont sublimes, soutenues de visions qui leur donnent de la majesté, et attirent le respect.

Il prédit clairement tout ce qui doit arriver sous le règne d’Antiochus Épiphanès ; divers événements touchant les quatre grandes monarchies ou empires du monde, l’avènement de Jésus-Christ, la destruction du règne des Juifs, et le règne futur de Antechrist.

L’ordre et les temps de la narration sont assez bien observés dans ce livre ; excepté qu’il faut placer le chapitre XIII entre le premier et le second, et mettre le XIV entre le quatrième et le cinquième.