Jean Introduction - SAC

Le quatrième et dernier des évangélistes, selon l’ordre chronologique, est l’apôtre saint Jean, surnommé le disciple bien-aimé. Il était de Bethsaïde, ville de la Galilée, et fils de Zébédée et de Salomé, et ainsi frère de l’apôtre saint Jacques, appelé Le Majeur, qui eut la tête tranchée quelque temps après la mort de Jésus-Christ, sous Hérode Agrippa, dit le Tétrarque. Il écrivit son Évangile à Éphèse, âgé de quatre-vingt-dix ans, l’an 96 de l’ère vulgaire, soixante-trois ans après la mort de Jésus-Christ, étant de retour de l’île de Patmos, où il avait été exilé sous l’empereur Domitien. Saint Jérôme dit qu’il n’entreprit cet ouvrage qu’à la sollicitation de plusieurs de ses amis et aux instantes prières des évêques d’Asie ; et le même Père ajoute, dans la préface de son Commentaire sur saint Matthieu, que saint Jean n’y consentit qu’à condition que les Églises se disposeraient par un jeûne public à lui attirer du ciel les grâces dont il avait besoin pour y réussir. Saint Clément d’Alexandrie, au rapport d’Eusèbe, dit que le motif qui l’engagea à y travailler fut qu’il s’était aperçu que les trois premiers évangélistes n’avaient proprement parlé que des deux dernières années de la prédication de Jésus-Christ, et qu’ainsi il jugea qu’il était nécessaire d’y suppléer la première, qu’ils avaient omise ; et saint Jérôme prétend que saint Jean y ajouta ce qui regarde la naissance divine et éternelle de Jésus-Christ, afin d’y réfuter tacitement l’hérésie de Cérinthe et d’Ébion, qui niaient sa divinité. On ne doute point qu’ayant eu pour objet d’instruire les Églises d’Asie, il n’ait écrit en grec ; mais comme il était Hébreu, son style tient un peu de cette langue ; ainsi il n’est pas étonnant qu’on y trouve des phrases et des expressions toutes syriaques, et des hébraïsmes très-fréquents, qui rendent son élocution moins pure et moins élégante que celle de saint Luc. Il a rapporté beaucoup de faits et de circonstances de la vie de Jésus-Christ, qui ont été omis par les autres évangélistes ; entre lesquels on peut remarquer le miracle que Jésus-Christ fit aux noces de Cana, son entretien avec Nicodème, celui qu’il eut avec la Samaritaine, l’histoire de la femme adultère, son discours avec les Capharnaïtes touchant sa chair qu’il devait donner à manger ; la résurrection de Lazare, les instructions que Jésus-Christ donna à ses disciples après la Cène la veille de sa mort, et plusieurs autres particularités qui nous auraient été absolument inconnues, sil n’avait eu soin de nous les laisser par écrit. Aussi cet Évangile est-il l’un des plus considérables et des plus célèbres, non-seulement par ses additions, mais encore par la sublimité des vérités et instructions qu’il renferme ; ce qui l’a fait appeler par saint Clément d’Alexandrie l’Évangile spirituel. Plusieurs ont cru que l’histoire de la femme adultère, rapportée au ch. VIII, v. 1, jusqu’au v. 12 inclusivement, y avait été ajoutée par quelque main postérieure, parce qu’elle ne se trouve point citée par les premiers Pères de l’Église, ni rapportée par saint Jean Chrysostome et saint Cyrille, dans les Commentaires qu’ils ont faits sur cet évangéliste, ni par Eusèbe, dans les canons évangéliques ; mais saint Jérôme, qui dit qu’elle ne se trouvait pas dans son exemplaire, avoue cependant qu’elle était de son temps dans un grand nombre d’autres. Ammonius et l’auteur de la Synopse attribuée à saint Athanase, Tatien, dans son Abrégé des quatre Évangiles, saint Augustin et saint Ambroise, en font mention, et elle se trouve dans la version syriaque des Polyglottes d’Angleterre, dans le manuscrit de Cambridge et dans tous les anciens exemplaires latins.

Quelques savants ont prétendu que saint Jean avait terminé son Évangile par les deux derniers versets de son chapitre XX, et que le chapitre XXI avait été ajouté par l’Église d’Éphèse, ce qu’ils appuient sur cette double répétition de ces paroles, Jésus a fait, etc. rapportée au v. 30 du chap. XX, et au v. 25 du chap. XXI ; mais ils n’ont pas pris garde qu’il n’y a rien de plus ordinaire aux écrivains sacrés, et surtout aux Hébreux, que ces répétitions, de même que de parler de soi à la troisième personne, comme fait ici saint Jean, chap. XXI, v. 24.

Saint Épiphane rapporte que les Alogiens attribuaient à Cérinthe cet ouvrage de l’apôtre saint Jean ; mais ce Père les réfute, en soutenant qu’il n’est pas raisonnable de le donner à cet hérétique, puisque rien ne lui était plus opposé, et ne combattait plus directement les erreurs qu’il enseignait.

Saint Jérôme dit que saint Jean fut appelé fort jeune à l’apostolat, et qu’il a gardé toute sa vie le célibat et la virginité. Il a vécu jusqu’à la troisième année du règne de l’empereur Trajan, et est mort âgé de près de cent ans, la cent unième année de l’ère vulgaire, soixante-huit ans après la mort de Jésus-Christ. Saint Irénée, Tertullien, Eusèbe, et presque tous les anciens Pères, disent qu’il est enterré à Éphèse. (Voyez saint Augustin, Traité 124, sur saint Jean.)

Sommaire