Cette lettre est écrite par l’apôtre saint Jude à tous les fidèles indistinctement, auxquels, après le salut ordinaire, il déclare que la nécessité où il est de contribuer à leur salut lui fait un devoir de les exhorter à persévérer dans la foi qu’ils ont reçue, à éviter les nouveaux hérétiques qui s’élevaient contre Dieu en renonçant à Jésus-Christ, s’abandonnaient au gré de leurs passions déréglées, ne reconnaissant au-dessus d’eux aucune puissance, et profanaient par leurs débauches les repas de charité et les assemblées des fidèles ; parlaient avec orgueil, et ne s’étudiaient qu’à s’enrichir par des gains honteux. Il dit qu’ils sont semblables à Caïn, à Balaam et à Coré ; que ce sont des nuées sans eau, des arbres stériles et morts, comparables à la légèreté des vents et à l’inconstance des vagues de la mer et des étoiles errantes ; que c’est d’eux qu’Énoch et les apôtres ont prédit la venue dans les derniers temps ; et, pour faire sentir aux fidèles le danger auquel il s’exposeraient en suivant les erreurs de ces hérétiques, l’apôtre rapporte les divers exemples des châtiments dont Dieu a puni avec éclat les incrédules, les impudiques, les rebelles et les séditieux, mais principalement ce qui est arrivé aux anges rebelles, aux villes de Sodome et de Gomorrhe, et aux Juifs dans le désert. Enfin il les invite à persévérer dans la foi, à prier beaucoup, à mettre en Dieu toute leur confiance, à travailler au salut de leurs frères, et à fixer toute leur espérance dans la jouissance de la vie éternelle. Tout ceci est écrit d’un style vif, plein de force et de noblesse, orné de comparaisons et d’exemples ; il semble même que cet apôtre ait copié mot à mot le second chapitre et une partie du troisième de la seconde Épître de saint Pierre ; ce qui a fait conclure que cette Épître a été écrite la dernière de toutes, et après la mort des apôtres saint Pierre et saint Paul ; d’autant qu’aux v. 17 et 18 de cette Épître, saint Jude dit à ceux à qui il écrit, qu’ils se souviennent de ce que les apôtres du Seigneur leur avaient dit, qu’aux derniers temps, etc. ; ce qui en effet se trouve avoir été prédit par saint Pierre, dans sa seconde lettre, chap. III, v. 2 et suiv.
Plusieurs des anciens Pères et autres écrivains qui ont mis cette Épître au nombre des Écritures canoniques avouent néanmoins qu’elle n’était pas reçue également de tous. (Voyez Eusèbe, Hist., lib. II, cap. XXII, et lib. III, cap. XIX, et lib. VI, cap. XI.) Saint Jérôme, dans son Catalogue, dit qu’elle a été regardée comme douteuse par plusieurs, parce que l’auteur y cite le livre apocryphe d’Énoch, v. 14 ; mais qu’il y a cependant déjà longtemps que son autorité a prévalu, et qu’elle est comprise au rang des Écritures saintes. Elle est citée par saint Clément d’Alexandrie, Strom., lib. III ; par Tertullien, lib. de Habitu mulieb., cap. III ; par Origène, in cap. XIII Math., et Periareh., lib. III, cap. XI, et Hom. VII sur Josué, cap. VI ; par saint Jérôme, Epist. ad Paulin. ; saint Augustin, lib. de Doctr. christ. Elle a été mise dans presque tous les catalogues anciens. (Voyez la Synopse attribuée à saint Athanase ; saint Cyrille de Jérusalem, Cateches. IV ; le concile de Laodicée, can. LX, ann. 370 ; le troisième et le quatrième de Carthage, can. XLVII, ann. 397, et can. XXIV, ann. 419 ; les conciles de Rome, sous Innocent Ier, et sous Gélase, ann. 494 ; et le dernier concile général de Trente, sess. IV, de Canon. Script.)