Clément d’Alexandrie semble être le premier à mentionner l’existence de la lettre aux Hébreux : il affirme que Paul l’écrivit en hébreu et qu’elle fut traduite en grec par Luc. Cette opinion prévalut jusqu’à la Renaissance, quand elle fut vigoureusement combattue par Érasme. Elle est aujourd’hui unanimement délaissée : le nom de Paul ne figure d’ailleurs nulle part dans cette lettre dont la langue et le style, sinon la pensée, diffèrent de l’ensemble du corpus paulinien.
Telle quelle, elle constitue un chef-d’œuvre d’apologie scripturaire, écrit par un Hébreu inconnu formé aux meilleures traditions de l’exégèse rabbinique.
Les structures générales de ce texte complexe ont donné lieu à de nombreuses analyses. Sans entrer dans le détail, dégageons-en les grands thèmes :
- Elohîms a parlé par son fils (1,1-4).
- Supériorité du messie sur les anges (1,5-2,18).
- Iéshoua‘ et Moshè (3,1-4,16).
- Iéshoua‘ grand prêtre nommé par IHVH-Adonaï Elohîms (5,1-10,39).
- La foi des Pères (11,1-12,29).
- Exhortation finale (13,1-15).
Comme tous les Hébreux, l’auteur voit dans les Écritures la parole vivante de IHVH-Adonaï Elohîms, annonciatrice du dessein d’Elohîms, celui qui s’incarne dans l’histoire des hommes. Il rappelle comment Elohîms sauve son peuple de l’esclavage égyptien pour conclure avec lui l’alliance du Sinaï : l’histoire de son peuple lui est familière dans ses moindres détails et c’est par elle qu’il entend confirmer son enseignement de la réalité et de la gloire du messie Iéshoua‘, celui en qui s’incarne la plénitude de la promesse faite à Abrahâm. L’annonce faite à Moshè se confirme par le sacrifice offert par Iéshoua‘, celui de son corps crucifié pour le salut d’Israël et des nations. Par le sang de ce sacrifice, l’ultime promesse messianique pourra se réaliser dans l’histoire. Car l’auteur ne fait qu’évoquer très rapidement ce que Iéshoua‘ dit ou fit durant sa vie. Sans doute tient-il pour acquis l’enseignement des Évangiles, et son but est de rallumer l’enthousiasme de ses lecteurs en insistant sur les certitudes de la foi et l’imminence des réalisations de la promesse. Celle-ci se fonde sur la réalité et la transcendante supériorité de Iéshoua‘, messie et roi de l’univers. Cet appel retentit dans un monde dont le roi très réel habite Rome et a pour nom César. De là, sans doute, l’extraordinaire résonance de l’enseignement de cette lettre chez les Hébreux comme chez les païens.