Ces deux livres n’en formaient originairement qu’un seul et c’est ainsi qu’on les trouve encore dans les manuscrits hébreux. La division en deux livres a été introduite par les traducteurs grecs (les Septante), d’où elle a passé dans la traduction latine (la Vulgate) et, de là, dans nos traductions françaises. Depuis que l’on a commencé à imprimer le texte hébreu, cette division y a été importée. Comme les Septante trouvaient dans ce livre non seulement l’histoire de Samuel, mais encore celles de Saül et de David, ils ont cherché à le rattacher plus étroitement au livre des Rois et ont dans ce but formé des deux livres de Samuel et des deux des Rois un seul tout, divisé en quatre parties, sous le nom commun de livres des Rois ou des Règnes : Rois I, Rois II, Rois III et Rois IV. À partir du temps de la Réformation, le titre primitif, « Livres de Samuel », a été réintégré, mais en maintenant la division en deux livres.
Le titre de « Livres de Samuel » ne signifie point que ce personnage soit l’auteur de cet ouvrage, puisque les événements racontés dans le second livre et même déjà à la fin du premier se sont passés après sa mort. Ce titre provient de ce que le livre s’ouvre par l’histoire de ce prophète et de ce qu’il reste le personnage le plus influent de cette époque. Nous ne voulons pas dire par là que Samuel n’ait rien laissé d’écrit. Dans 1 Chroniques 29.29 nous voyons mentionné un écrit de Samuel, qui est probablement la source principale de la première partie de l’ouvrage qui porte son nom.
Cet ouvrage reprend l’histoire de la théocratie au point où l’avait laissée le livre des Juges, à l’époque de la domination des Philistins, et la conduit jusqu’à la complète restauration de la théocratie sous le règne de David. Il contient le récit de la judicature d’Éli et de celle de Samuel, de l’abdication de celui-ci et de l’avènement de Saül à la royauté, enfin du rejet de Saül et du règne de David.
Sous les Juges, Israël était tombé peu à peu dans une complète décadence ; au temps de Samson nous voyons les Philistins dominer en maîtres dans le pays. La naissance extraordinaire de Samuel marque le point de départ du relèvement dont ce prophète devait être le principal instrument. Ce grand serviteur de l’Éternel réveille chez ses frères le sentiment de leurs droits et de leur dignité de peuple de Dieu ; Israël, honteux de son esclavage, se soulève contre les Philistins ; au sein de cette lutte on voit naître chez lui le désir d’avoir un roi ; Dieu accorde cette demande qui rentrait dans ses desseins, mais en blâmant le sens charnel qui l’avait provoquée. Saül est désigné comme roi et oint par Samuel ; il commence bien, mais ne tarde pas à prendre les allures des despotes des autres nations ; Dieu le rejette et choisit David qui apprend, par de longues épreuves, à attendre avec soumission l’accomplissement de la volonté de Dieu. C’est lui qui est vraiment l’oint du Seigneur ; Dieu lui promet de maintenir à jamais dans sa famille la dignité royale ; il devient ainsi le type du Messie promis. Malgré ces hautes prérogatives dont Dieu l’honore, David fait une chute profonde, et cette chute même, dont il se relève cependant par une vraie humiliation, dut apprendre aux fidèles à reporter sur un plus grand que lui leurs espérances pour l’accomplissement des desseins du Seigneur. L’ouvrage se termine avant la mort de David, au moment où le gouvernement passe entre les mains de Salomon.
Nous ne pouvons pas dire à quelle époque précise ce livre a été composé. De remarques comme 1 Samuel 27.6 (« Tsiklag appartient aux rois de Juda jusqu’à ce jour ») et 30.25 (« jusqu’à ce jour ») et d’explications d’anciens usages, telles que 9.9, on doit conclure que l’auteur a vécu à une assez grande distance des événements racontés. Mais il paraît avoir employé des sources très rapprochées ou même contemporaines de ces événements ; de 1 Chroniques 27.24 ; 29.29, il résulte vraisemblablement que ces sources étaient des écrits rédigés par les prophètes du temps. En outre l’auteur s’est sans doute servi de traditions orales conservées jusqu’à lui. C’est ainsi seulement que l’on peut s’expliquer la délicatesse de touche, la vivacité dramatique, la finesse des traits biographiques et la fraîcheur incomparable des récits renfermés dans les livres de Samuel.
La véracité du récit ressort de la franchise absolue avec laquelle sont racontés les égarements et les chutes des acteurs les plus vénérés de cette histoire, tels que le grand sacrificateur Éli et le prophète et juge Samuel, puis aussi des grands personnages politiques, Saül et David. Sacerdoce, prophétisme, royauté, tout ce qui est élevé en Israël, passe, comme le peuple lui-même, sous le niveau impartial du jugement divin. Le premier livre se divise en deux parties : celle qui concerne le ministère de Samuel (chapitres 1 à 7) et celle qui se rapporte au règne de Saül (chapitres 8 à 31).