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L’enthousiasme, provoqué par la chute de Ninive en 612 (cf. Introduction à Nahum), ne dura pas. Aux Assyriens se substituèrent les Babyloniens, ou Chaldéens ; vainqueur des Égyptiens en 605, Nabuchodonosor, encore prince royal, ne fit qu’une courte apparition en Syrie, car la mort de son père le rappela à Babylone. Mais en 603, il vint soumettre Jérusalem, où régnait Joakim, prince présomptueux, cruel et sceptique ; ce dernier se révolta vers l’an 600, rébellion qui devait aboutir à la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor en 597, trois mois après la mort de Joakim.
C’est en ces années-là que prophétisa Habacuc ; son livre révèle un écrivain supérieur à Jérémie ou à Sophonie, mais ne fournit aucun détail biographique ; tout au plus, une allusion discutable à des fonctions cultuelles (II, 1, 20) pourrait le faire considérer comme prêtre. Son œuvre pose la question du mal : pourquoi Dieu permet-il que son peuple soit opprimé par le méchant ? Mais qui est ce méchant ? c’est le problème central du livre. Si ce méchant personnifie les Chaldéens, il faut situer l’oracle d’Habacuc peu après 605, quand on attendait avec angoisse l’arrivée de Nabuchodonosor. Mais bien des expressions des chapitres I et II semblent convenir beaucoup mieux à un personnage concret qu’à une nation étrangère, même personnifiée. Il y a plus : II, 9-20 rappellent d’une manière frappante Jérémie XXII, 13-17 ; les deux passages semblent traduire également une juste colère prophétique contre Joakim, ce roi impie, qui voulait jouer au grand monarque oriental, mais que, par prudence, Habacuc ne nomme point. Dans cette hypothèse, qui semble préférable, Habacuc, unissant ses efforts à ceux de Jérémie, prophétisait vers 600, alors que déjà Nabuchodonosor excitait contre le roi rebelle les peuples voisins, avant-coureurs de l’armée chaldéenne (II, 8 ; cf. II Rois XXIV, 2).
Dès lors, ce livre, à forme dramatique, se présente ainsi : I, 1-4 : le Prophète gémit sur le triomphe de l’impie en Juda. I, 5-11 : Dieu annonce l’invasion chaldéenne, qui châtiera l’impie, en s’abattant sur Juda. I, 12-17 : Habacuc proteste, sans révoquer ses plaintes contre le méchant, et pose dans son acuité le problème du mal sous son aspect collectif : pourquoi abandonner les nations au conquérant redoutable, comme les poissons de la mer à la merci du pêcheur ? II, 1-4 : Dieu promet un oracle important, dont il donne, sans attendre, la note consolante : s’attacher à Dieu assurera le salut. II, 5-20 : Habacuc prononce contre l’impie cinq malédictions : Dieu fidèle et juste le punira et régnera sur les nations. III : Voici d’ailleurs que le Seigneur va éclairer son prophète, selon sa promesse : que l’on fasse donc silence (II, 20). Une théophanie, analogue à celle de Nahum I et du Psaume XVIII, montre Dieu, maître des éléments et des fléaux, frappant les nations païennes et les chefs impies pour sauver son peuple. Ce cantique est en même temps une prière, où l’auteur supplie Dieu de réaliser son œuvre de délivrance.
Ce petit livre enseigne donc la providence divine qui s’exerce à l’égard de tous les peuples, mais spécialement d’Israël ; si le Prophète ne comprend pas parfaitement les voies du Seigneur, il sait qu’il est juste. Aussi, devant l’angoissant problème du mal, prend-il une attitude malgré tout optimiste : les événements à venir montreront la justice de Dieu.

Introduction de la Amiot & Tamisier

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