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Hors le livre fameux qui porte son nom, Jonas n’est connu que par IV Rois XIV, 25 : Fils d’Amathi, et originaire du royaume du Nord, il vivait, comme Amos, sous le règne glorieux de Jéroboam II ; il lui prédit qu’il rétablirait les frontières du temps de Salomon ; on sait que, peu après, la puissance assyrienne se développa rapidement et submergea tout.
Mais notre livre donne sur ce prophète des détails intéressants. I – II, 2 : il reçoit l’ordre d’aller prêcher dans la capitale assyrienne de Ninive ; sa tentative pour échapper à cette mission, et fuir vers l’extrême-occident, cause une tempête ; reconnu coupable par le sort et jeté à la mer, il est englouti par un grand poisson (le texte ignore la « baleine »), qui le rejette sain et sauf au bout de trois jours. II, 3-10 sont le psaume d’actions de grâces que prononça Jonas à l’intérieur du poisson ; ce morceau, peu approprié à la situation, interrompt le récit en prose. III – IV : Dieu réitère à Jonas l’ordre d’aller à Ninive ; il y annonce la destruction imminente ; mais, les Ninivites s’étant convertis, Dieu pardonne et n’exécute pas sa menace. Le Prophète en est irrité ; il faut le miracle du ricin pour qu’il comprenne la grande miséricorde divine.
Certes, les miracles y sont accumulés comme à plaisir : Jonas englouti par un énorme poisson (ce qui n’est pas impossible), mais y vivant paisiblement pendant trois jours ; la poussée quasi subite d’un ricin, et le ver qui vient juste à point pour le faire sécher tout aussi rapidement. On a l’impression que l’auteur veut sciemment décrire des prodiges inouïs. Il ne craint pas d’ailleurs les invraisemblances : l’envoi d’un prophète au cœur de la lointaine Ninive, la fuite au bout du monde pour échapper à l’emprise divine, la responsabilité d’une de ces tempêtes, si fréquentes en Méditerranée, attribuée à un passager, le chagrin de Jonas après la réussite de sa mission, et surtout la conversion immédiate de toute Ninive, la puissante capitale comptant peut-être (IV, 11) un million d’habitants : événement qu’ignorent tous les documents, et que le reste de la Bible est bien loin de soupçonner.
Or, la composition du livre est certainement tardive : Ninive y apparaît comme détruite (III, 3), ce qui eut lieu en 612 ; sa ruine est même ancienne, car l’auteur n’a noté de son antique splendeur que des souvenirs confus et grossis. Il s’exprime d’ailleurs comme un homme habitué à l’organisation de l’empire perse : le roi de Ninive (on aurait dit au VIIIe ou au VIIe siècle : le roi d’Assur) ne prend pas de décret en son seul nom, mais y associe les grands du royaume (III, 7), ce qui se pratiquait chez les Perses, non chez les Assyriens. C’est bien également à la période perse que se rapporte la langue aramaïsante de l’ouvrage. Sa doctrine enfin, comme on le verra, et sa familiarité avec de nombreux écrits de l’Ancien Testament s’accordent avec les remarques précédentes pour assigner ce livre au Ve siècle, probablement vers 450.
L’auteur, qui n’est pas Jonas, n’a donc pas l’intention de rédiger une biographie. Il présente son livre comme une de ces histoires édifiantes qu’utilisaient si volontiers les docteurs du Judaïsme et certains auteurs postexiliens (Job, Tobie, Daniel), pour donner plus de relief à leurs enseignements ; d’ailleurs, il utilise abondamment les textes inspirés existant, surtout l’histoire d’Élie, Ézéchiel et Jérémie. C’est pourquoi la Bible le range, non parmi les livres historiques, mais parmi les Prophètes ; en d’autres termes, son but est avant tout doctrinal, et saint Grégoire de Nazianze ne craignait pas d’y voir une parabole.
Au Ve siècle, les Juifs considéraient les nations païennes comme foncièrement hostiles à Dieu, et vouées par conséquent à l’extermination inexorable : de là, un nationalisme outrancier, à caractère religieux. Néanmoins, on pouvait lire dans les Prophètes que le Seigneur, Dieu unique, prenait intérêt à tous les hommes, châtiant partout l’iniquité, mais partout aussi désirant la conversion et le salut ; parfois même, ces écrits anciens présentaient Israël comme le témoin, sinon comme le missionnaire, du vrai Dieu. Ce sont ces vérités que l’auteur a voulu rappeler à ses contemporains. S’il a situé son exemple dans un passé lointain, c’est pour moins les choquer ; mais ce voile ne cache pas une critique quelque peu satirique du particularisme sioniste. Les Juifs ne doivent pas protester contre la miséricorde du Seigneur, qui ne connaît aucune limite. Il veut le salut de tous, par Israël et malgré Israël ; ses menaces contre les païens demeurent conditionnelles ; il agrée leurs hommages et attend leur conversion : celle-ci, mieux que des châtiments parfois nécessaires, réalisera dans sa splendeur le plan de salut universel.

Introduction de la Amiot & Tamisier

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