Ce personnage est bien connu par son livre. Fils du prêtre Buzi, il semble avoir appartenu à l’élite sacerdotale, et, comme tel, avoir été déporté en 597 ; dès lors il résida à Tell-Abib, sur le canal Chobar. Les dates extrêmes de son ministère prophétique sont la 5e et la 27e années de la captivité du roi Joakim, que Nabuchodonosor avait remplacé par Sédécias – soit 592 et 570. Le rôle de ce prophète ressort bien de son œuvre.
Celle-ci, qui nous est parvenue dans un texte hébreu très altéré, n’évoque pas la poésie d’un Isaïe, ni même d’un Jérémie, sauf quelques rares exemples comme les chapitres XXVI – XXVII (oracle contre Tyr) ; c’est en général une prose diluée, qu’obscurcissent des allégories fréquentes et des visions fantastiques. Cependant on y reconnaît qu’Ézéchiel fut un homme d’action, très vivant et concret, sachant parler à des personnages réels, accompagnant ses discours de ces gestes multiples qui plaisent tant aux Orientaux, assez souvent même d’actes symboliques plus ou moins singuliers. D’après ces caractères, on estime que le Prophète aurait fait d’abord des collections particulières de ses oracles ; personnellement, ou avec l’aide de rédacteurs, il les aurait ensuite fondues en un ouvrage unique. On signale comme additions peut-être postérieures : II, 1 à III, 9 et XI, 1-21. L’ordre chronologique est généralement respecté et détermine trois grandes parties.
1° I – XXIV contiennent à peu près exclusivement des menaces contre Jérusalem, formulées avant la catastrophe de 586. Les trois premiers chapitres sont comme un portique grandiose : vision du char de Dieu aux rives du Chobar (I), et mission confiée au Prophète (II – III). Cette mission est commandée par les circonstances. Les déportés se disent injustement punis par Dieu ; mais, persuadés que le Seigneur ne peut abandonner son Temple, ils croient prochains la fin de leur exil et leur retour à Jérusalem. Ézéchiel s’emploie à dissiper ces illusions, malgré la résistance et l’hostilité qu’il rencontre. Il rappelle et précise la culpabilité de Juda, dont tous les membres sont plus ou moins solidaires ; mais en même temps il pose les principes de la responsabilité individuelle, qui permettra de grouper un petit reste fidèle, noyau d’un Israël purifié. D’autre part, il annonce comme imminente la ruine définitive de Jérusalem, que la justice divine ne peut plus épargner. Nota : Selon certains, ces oracles qui s’adressent souvent aux habitants de Jérusalem, auraient été prononcés à Jérusalem même ; le Prophète ne serait parti en exil qu’après 586 ; la vision du chapitre I aurait subi un déplacement pour introduire la vision inaugurale, mais ne serait pas à sa place chronologique. Cette hypothèse est loin d’être prouvée : aucune mention expresse de ce ministère éventuel à Jérusalem ; s’il fallait l’admettre, Ézéchiel et Jérémie auraient prophétisé de concert pendant six ou sept ans dans la capitale : mais ils gardent l’un sur l’autre un silence total. Enfin il était très normal que la pensée de l’exilé se reportât sans cesse (voir Psaume CXXXVII, 4-6) vers ses compatriotes, dont il savait par expérience et par révélation, l’aveuglement et la ruine prochaine.
2° XXV – XXXII prédisent des châtiments qui atteindront les nations païennes ; ce sera le préambule de la restauration d’Israël, Ces oracles, presque tous prononcés à l’époque du siège, ou immédiatement après, annoncent déjà un changement dans l’attitude du Prophète.
3° XXXIII – XLVIII. Les malheurs prédits se sont accomplis. Les exilés sont découragés, ils croient Israël à jamais perdu, l’attrait du paganisme ambiant s’exerce déjà sur eux. C’est à relever les courages qu’Ézéchiel va désormais s’appliquer. Comme le laissait entendre la vision du char de Dieu (I), celui-ci n’abandonne pas son peuple ; il n’est lié ni au Temple, ni à la Palestine, mais se manifeste aussi, dans toute sa gloire, en terre étrangère. Il est le Tout-Puissant, il peut ressusciter ce qui semble mort, rendre la vie à son peuple (XXXVII : vision des ossements desséchés). Il le fera. Et le Prophète de décrire la magnificence de la restauration et du salut futur, avec beaucoup plus de détails que ses devanciers : nouveau David, le Messie viendra comme un bon pasteur rassembler les fidèles dispersés (XXXIV) ; sur eux Dieu répandra son Esprit ; il renouvellera et sanctifiera leurs cœurs. Désormais c’est un culte parfait qu’on rendra au Seigneur, dans une Terre promise et un Temple parfaits. Ézéchiel se plaît à esquisser ce statut politique et religieux de l’avenir aux chapitres XL – XLVIII ; mais il ne faut pas prendre à la lettre cette législation, ni y voir l’origine directe du légalisme strict des futurs pharisiens ; si Ézéchiel a contribué, par son idéal de séparation et de sainteté légale, à la naissance du Judaïsme, son enseignement a une autre portée. Il réclame en premier lieu la pureté du cœur ; sa description du culte à venir veut détourner ses coreligionnaires des séductions du paganisme babylonien ; enfin ce tableau idéal du futur Israël entend présenter comme le bien suprême la présence de Dieu au milieu de son peuple. C’est donc finalement un progrès doctrinal appréciable que l’on doit au fils de Buzi, dans le sens de l’intériorisation et de la spiritualisation.