Introduction à Jérémie
52 chapitres
1. Son auteur et sa date
Au commencement du livre de Jérémie, nous lisons : « Paroles de Jérémie, fils de Hilkija », et au chapitre 51 (v. 64) : « Jusqu’ici les paroles de Jérémie ». Malgré ces mots simples et clairs d’introduction et de conclusion, et quand bien même Jérémie est le seul prophète de l’Ancien Testament dont la vie et le service soient présentés avec autant de détails personnels, les critiques modernes de ce livre affirment que la plus grande partie des prophéties de Jérémie ne viennent pas de lui. Toutefois, il n’existe aucun argument sensé pour appuyer de tels doutes.
Les indications données par Jérémie permettent de situer sa naissance pendant le règne du roi impie Manassé (696-642 av. J.C.). Le prophète descendait de la famille sacerdotale d’Aaron. Sa ville natale, Anathoth, se trouvait sur le territoire de la tribu de Benjamin, non loin de Jérusalem (Jér. 1.1). Jérémie était encore un tout jeune homme lorsque, la treizième année de Josias (640-609 av. J.C.), c’est-à-dire en 627 av. J.C., il fut appelé par l’Éternel à son service de prophète (Jér. 1.4-10). Son ministère dura jusqu’après la destruction de Jérusalem par Nebucadnetsar en 586 av. J.C. ; il s’exerça donc pendant plus de quarante ans (Jér. 39). Sur le commandement de Dieu, Jérémie ne se maria pas (Jér. 16.2).
Jérémie vécut d’abord à Anathoth. Mais très tôt, les habitants laissèrent éclater leur haine contre lui (Jér. 11.18-23). Les prophéties données en Jérémie 1.2ss et 3.6ss furent prononcées au temps du roi Josias (640-609 av. J.C.). Après la mort de Josias, Jérémie écrivit des Lamentations sur ce roi (2 Chron. 35.25 ; comp. Jér. 22.10). Il prophétisa contre le fils de Josias, Shallum (ou Joakhas) au chapitre 22 (v. 11). Au cours du règne suivant, celui de Jéhoïakim (609-598 av.J.C.), Jérémie annonça la chute prochaine de Jérusalem. Les sacrificateurs voulurent alors le tuer (Jér. 26). La quatrième année de Jéhoïakim, Jérémie prédit notamment les soixante-dix ans de captivité de Juda à Babylone (Jér. 25.11, 12 ; 36.1 ; 45.1). A cette époque, le royaume d’Égypte fut vaincu par les Babyloniens sous Nebucadnetsar dans la bataille de Karkemish (606 av. J.C.); Jérusalem fut ensuite assiégée et une partie de la population transportée à Babylone (première transportation babylonienne, en 605 av.J.C.). Jérémie reçut alors de Dieu le mandat d’écrire dans un livre toutes ses prophéties jusqu’à ce moment ; il s’en acquitta avec l’aide de son secrétaire Baruc (Jér. 36.1-4). Après la lecture de ces paroles dans le temple par Baruc, le roi Jéhoïakim, courroucé, coupa et brûla le rouleau (Jér. 36.20-26). Dieu chargea Jérémie d’écrire sur un autre rouleau tout ce qui était sur le premier, « et il y fut encore ajouté plusieurs paroles semblables » (Jér. 36.27-32).
Le roi suivant, Jéhoïakin ou Jéconias (Conias), ne régna que trois mois et fut transporté à Babylone en 597 av. J.C. (seconde transportation). Sédécias, le troisième fils de Josias, lui succéda (597-586 av. J.C.). Jérémie lui conseilla de ne pas se rebeller contre Babylone en s’appuyant sur l’Égypte (Jér. 37.6ss), mais de se soumettre au roi de Babylone (Jér. 27.12-22). Quand il voulut aller dans le pays de Benjamin, Jérémie fut fait prisonnier et jeté dans une fosse vide (Jér. 37.11 à 38.6). Lorsque finalement les Babyloniens prirent Jérusalem, Jérémie fut libéré. Placé devant le choix de monter à Babylone selon le vœu de Nebucadnetsar ou de demeurer dans le pays, le prophète décida de rester (Jér. 39 et 40). Après l’assassinat de Guedalia, le gouverneur établi par Nebucadnetsar, craignant la vengeance des Babyloniens, les Juifs s’enfuirent, malgré les avertissements de Jérémie, en Égypte et contraignirent le prophète et Baruc à les suivre (Jér. 41 à 43). Jérémie poursuivit son service de prophète dans la ville de Takhpanès (Jér. 43.8 à 44.30) ; c’est là que, selon la tradition, il aurait été lapidé par les Juifs cinq ans après la destruction de Jérusalem. La Bible garde le silence sur la mort de ce grand prophète qui vécut et exerça son ministère pendant les quarante dernières années du royaume de Juda.
2. Son but
Jérémie, le deuxième de ceux que l’on nomme les quatre grands prophètes, est appelé, à juste titre, le prophète qui pleure (comp. Jér. 9.1, 10 ; 13.17 ; 14.17 ; 15.10 ; 20.14). Aucun autre prophète n’a rencontré autant d’opposition et de haine de la part de son peuple. Mais si, au cours de sa vie, il dut supporter beaucoup de souffrances de la part de ses compatriotes, Jérémie devint, après sa mort, l’objet d’une grande vénération (comp. Matt. 16.14). Quand bien même le prophète condamna à maintes reprises l’injustice des Juifs et leur abandon du Dieu vivant, il aima son peuple jusqu’à la fin (comp. Jér. 17.16 ; 18.20).
Le contenu et le but principal du message de Jérémie sont : des appels sans cesse répétés à la conscience des habitants du royaume de Juda, afin de les amener à reconnaître leur bas état moral, et des exhortations à se détourner de leur abandon de l’Éternel et de leur idolâtrie pour revenir à Dieu. En outre, le prophète garde toujours devant les yeux le jugement imminent de la destruction de Jérusalem par Babylone.
Mais Jérémie parle aussi constamment de la miséricorde de Dieu pour son peuple. La captivité à Babylone ne durerait que soixante-dix ans (Jér. 25.11, 12 ; 29.10). Après cette période, les Juifs retourneraient dans leur pays.
Finalement, Jérémie délivre un message de consolation qui, aujourd’hui encore, attend son accomplissement, car celui-ci n’a pas eu lieu à la suite des soixante-dix ans de la captivité. Après le « temps de la détresse pour Jacob » (Jér. 30.4-7), l’Éternel conclura une nouvelle alliance avec son peuple (Jér. 31.31-34), et alors commencera la période glorieuse du royaume millénaire sous le Messie (Jér. 23.5-8 ; 33.14-18). Cette espérance de la bénédiction future et la puissance de l’Esprit de Dieu fortifièrent et encouragèrent Jérémie dans son triste ministère qui ne fut pas accepté par ses contemporains juifs.
3. Ses particularités
a) Les soixante-dix ans de captivité de Juda à Babylone
Dans deux passages, Jérémie mentionne la destruction prochaine de Jérusalem et la transportation du peuple à Babylone ; cette captivité prendrait cependant fin après soixante-dix ans, lors du retour du résidu (Jér. 25.11, 12 ; 29.10). Le jugement dont Dieu avait menacé s’exécuta pendant le règne de Nebucadnetsar, le roi de Babylone. En 605 av. J.C., sous le règne de Jéhoïakim, Nebucadnetsar assiégea une première fois Jérusalem et transporta à Babylone un certain nombre de Juifs, dont Daniel (Dan. 1.1). Pendant le court règne de Jéhoïakin, une deuxième attaque survint, en 597 av. J.C., qui vit la transportation de dizaines de milliers de Juifs à Babylone. Enfin, sous Sédécias, en 586 av. J.C., Jérusalem et le temple furent détruits, et les ennemis emmenèrent à Babylone tout ce qui restait du peuple. La prophétie de Jérémie était réalisée (2 Chron. 36.21).
En 539 av. J.C., le roi Cyrus de Perse conquit Babylone et établit Darius, le Mède, comme vice-roi (Dan. 6.1). La deuxième année du roi Darius (l’an un d’après la manière de compter des Perses), Daniel comprit, en lisant les Ecritures, que les soixante-dix ans des désolations de Jérusalem, annoncés par Jérémie sur le commandement de l’Éternel, touchaient à leur fin (Dan. 9.1, 2). Nous avons ici un indice clair de la reconnaissance, opérée par Dieu, de l’inspiration des Saintes Ecritures de l’Ancien Testament, avant l’existence du canon établi ! Comme Daniel s’humiliait et priait, il reçut, par l’ange Gabriel, d’autres prophéties relatives aux soixante-dix semaines d’années, qui devaient s’étendre de la reconstruction de Jérusalem jusqu’à la venue du Messie et jusqu’aux temps de la fin (Dan. 9.20-27).
L’auteur du second livre des Chroniques (36.22) et du livre d’Esdras (1.1) fait également allusion à la prophétie de Jérémie concernant les soixante-dix années des désolations de Jérusalem. Sur le commandement du roi Cyrus de Perse, quelque quarante-deux mille Juifs montèrent à Jérusalem pour reconstruire le temple (env. 536 av. J.C.). Le prophète Zacharie, dont le ministère s’exerça peu après le retour des Juifs, mentionne aussi dans son livre les soixante-dix ans de l’indignation de l’Éternel sur Jérusalem et sur les villes de Juda (Zach. 1.12).
Mais de laquelle des trois campagnes de Nebucadnetsar contre Jérusalem faut-il partir pour calculer les soixante-dix ans ? Certains chercheurs pensent devoir prendre pour point de départ la destruction du temple en 586 av. J.C.; ils parviennent alors à la conclusion que le nombre soixante-dix ne doit pas être pris littéralement, vu qu’une cinquantaine d’années à peine s’écoulèrent jusqu’au retour du résidu en 536 av. J.C. Pour arriver au compte des soixante-dix années, se fondant sur Esdras 5.1 ; 6.14 et Zacharie 1.12, d’autres érudits veulent voir la date finale dans l’achèvement de la construction du temple, en 516 av. J.C. environ.
La solution la plus simple et la plus vraisemblable consiste à calculer la période de soixante-dix années en prenant, selon 2 Rois 24.1-4 et 2 Chroniques 36.20-23, la première prise de Jérusalem en 605 av. J.C. pour point de départ, et le retour des Juifs en 536 av. J.C. environ comme aboutissement.
b) L’ordonnance des chapitres dans le livre de Jérémie
Le contenu du livre de Jérémie ne suit pas toujours l’ordre chronologique. On admet en général que les chapitres 1 à 20 concernent le règne de Josias, bien que le nom de ce roi ne soit mentionné que dans les chapitres 1 (v. 1) et 3 (v. 6). Aucune date n’est donnée en relation avec le temps de Joakhaz. Les chapitres 25, 26, 35, 36, 45 à 49 sont habituellement rapportés au règne de Jéhoïakim, quoique seuls les chapitres 25, 26, 35, 36 et 45 comportent une date. Les chapitres 21 à 24, 27 à 34 et 37 à 42 sont rattachés au temps de Sédécias ; on trouve des dates indiquées aux chapitres 21, 27, 28, 29, 32, 33, 34 et 37. Jérémie prononça en Égypte les paroles consignées dans les chapitres 43 (v. 7, 8) et 44. Le chapitre 52 constitue un appendice, qui correspond presque littéralement aux versets de 2 Rois 24.18 à 25.30. Il fut peut-être ajouté par Jérémie lui-même, sous la direction du Saint Esprit.
Un certain nombre de passages ont été laissés de côté dans la version des Septante, la traduction grecque de l’Ancien Testament : Jérémie 10.6-10 ; 17.1-4 ; 27.1, 7, 13 ; quelques parties de Jérémie 17 à 22 ; 29.16-20 ; 33.14-26 ; 39.4-13 ; 51.44-49 ; 52.28-30, et d’autres versets. Les chapitres 46 à 51 sont placés dans un ordre différent, à la suite de Jérémie 25.13. Mais de nombreux chercheurs s’accordent pour dire que les traducteurs alexandrins, formés à la manière de penser grecque, se sont efforcés de « polir » la construction difficile du livre hébraïque de Jérémie. Il convient donc de donner la préférence au texte massorétique traditionnel en hébreu.
c) Symboles prophétiques
On trouve des actes et des signes symboliques chez plusieurs prophètes, par exemple, Ézéchiel 2.8 à 3.3 ; Osée 1.2-9 ; Zacharie 11.7-17. Mais aucun autre livre que celui de Jérémie ne compte autant de symboles prophétiques :
- La ceinture de lin (Jér. 13.1-11) : rejet d’Israël.
- Le potier et l’argile (Jér. 18.1-10) : patience de Dieu.
- Le vase de potier (Jér. 19.1-13) : destruction.
- Le joug (Jér. 27.2-11 ; 28.2, 10-14) : soumission.
- L’achat du champ (Jér. 32.6-15) : foi et espérance.
- Les pierres cachées (Jér. 43.8-13) : abaissement.
- Le livre jeté dans l’eau (Jér. 51.59-64) : destruction de Babylone.
4. Analyse succincte de son contenu
I. Jérémie 1 : L’appel du prophète |
|
II. Jérémie 2 à 29 : Appel de Dieu à la conscience du peuple |
Chapitre 2 | Chute d’Israël |
Chapitre 3 | Annonce du jugement |
Chapitre 4 | Appel à la repentance |
Chapitre 5 | Endurcissement de Juda |
Chapitre 6 | Annonce du siège de Jérusalem |
Chapitre 7 | Les raisons du châtiment |
Chapitre 8 | Incompréhension du peuple |
Chapitre 9 | Plainte du prophète |
Chapitre 10 | L’Éternel et les idoles |
Chapitre 11 | Israël a rompu l’alliance |
Chapitre 12 | L’Éternel se détourne |
Chapitre 13 | Jugement et captivité |
Chapitre 14 | La grande sécheresse |
Chapitre 15 | Le résidu et l’Éternel |
Chapitre 16 | Bannissement et retour |
Chapitre 17 | La position du résidu |
Chapitres 18 et 19 | Souveraineté de Dieu |
Chapitre 20 | Persécution de Jérémie |
Chapitres 21 et 22 | Jugement sur la maison de David |
Chapitre 23 | Les mauvais bergers d’Israël |
Chapitre 24 | Le chemin de la vie et de la mort |
Chapitre 25 | Annonce des soixante-dix ans d’exil |
Chapitre 26 | Jérémie en danger de mort |
Chapitres 27 et 28 | Les jougs : asservissement par Babylone |
Chapitre 29 | Jérémie console les captifs à Babylone |
|
III. Jérémie 30 à 33 : La nouvelle alliance et le royaume de paix |
Chapitre 30 | La délivrance du peuple |
Chapitre 31 | La nouvelle alliance |
Chapitre 32 | La fidélité de l’Éternel |
Chapitre 33 | Délivrance et louange |
|
IV. Jérémie 34 à 39 : Evénements et prophéties avant la chute de Jérusalem |
Chapitre 34 | Jérémie avertit Sédécias |
Chapitre 35 | La fidélité des Récabites |
Chapitre 36 | Le mépris de Jéhoïakim pour la parole de Dieu |
Chapitre 37 | Jérémie est emprisonné |
Chapitre 38 | Jérémie et Sédécias |
Chapitre 39 | La prise de Jérusalem |
|
V. Jérémie 40 à 45 : Evénements et prophéties après la chute de Jérusalem |
Chapitre 40 | Jérémie reste auprès du gouverneur Guedalia |
Chapitre 41 | Guedalia est assassiné |
Chapitres 42 et 43 | Le résidu part en Égypte malgré l’avertissement de Jérémie |
Chapitre 44 | Prophéties de Jérémie en Égypte |
Chapitre 45 | Avertissement de Jérémie à Baruc |
|
VI. Jérémie 46 à 51 : Prophéties sur les nations |
Chapitre 46 | Prophétie sur l’Égypte |
Chapitre 47 | Prophétie sur les Philistins |
Chapitre 48 | Prophétie sur Moab |
Chapitre 49 | Prophétie sur Ammon, Édom, Damas et d’autres ennemis |
Chapitres 50 et 51 | Prophétie sur Babylone |
|
VII. Jérémie 52 : Appendice historique : La chute de Jérusalem. |
Tiré de « Vue d’ensemble de l’Ancien Testament »,
Arend Remmers, EBLC Chailly-Montreux Suisse.