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C’est un ensemble de considérations entrecoupées de maximes variées, sans grand souci de composition ; voici, entre bien d’autres, le plan qu’on en pourrait déduire:
1° Une introduction (I, 1-11) expose le thème fondamental : tout est vanité, c’est-à-dire souffle, buée légère qui bientôt s’évanouit ; l’effort de l’homme est inefficace et ne peut atteindre le but poursuivi, la destinée humaine est une anomalie, les phases enchanteresses de la vie sont fugaces et décevantes.
2° Une suite d’enquêtes, pour ainsi dire, vient illustrer ce thème. Mener la grande vie, à l’exemple de Salomon (I, 12-11), fait toucher du doigt la vanité de la sagesse, des richesses et des plaisirs. Tout être est livré aux événements, que Dieu seul commande (III), et retourne à la poussière. Sans cesse l’homme se heurte aux anomalies sociales et à la fragilité des richesses (IV – VI). Les actes humains, d’ailleurs, trouvent-ils leur sanction adéquate (VII – IX, 10) ? Efforts et succès sont disproportionnés (IX, 11 – XI, 6) et la vieillesse inéluctable vient clore la recherche du bonheur (XI, 7 – XII, 8).
3° L’épilogue (XII, 9-14) fait l’éloge de l’auteur et termine par une conclusion morale. Ces derniers versets posent la question de l’auteur. On admet que l’épiloguiste fut l’éditeur du livre et le disciple inspiré de son auteur ; mais ne faut-il pas reconnaître sa main dans un certain nombre de réflexions et de passages, qui semblent contredire l’ensemble de l’ouvrage et y apporter des corrections dans le sens de la doctrine alors traditionnelle ? C’est possible, mais non prouvé. Sans prétendre que l’auteur ait délibérément adopté le genre du dialogue, on peut envisager son œuvre comme une sorte de journal, où il aurait consigné, tant le résultat de ses enquêtes que les réflexions provoquées par elles. Quoi qu’il en soit, l’auteur principal n’est certainement pas Salomon, fiction évidente, alors reçue, qu’il abandonne dès le chapitre III. Il se nomme Qohéleth, dont la traduction grecque a donné naissance à Ecclésiaste : le mot semble désigner le président d’une réunion de sages, ou mieux le maître, l’orateur réputé, en tout cas un homme d’expérience et d’autorité.
Il s’exprime en une langue très décadente ; s’il a connu une époque troublée (quelques allusions à des désastres, à un temps d’anarchie), elle semble révolue. Aussi dit-on généralement que Qohéleth écrivit, à Jérusalem probablement, entre 250 et 200. Sa mentalité et son enseignement soutiennent cette conclusion.
Sa grande préoccupation est de connaître la valeur de la vie, de résoudre le problème de la rétribution ; mais, alors que Job discutait le mystère du mal et aurait voulu ne pas souffrir, l’Ecclésiaste est avide de bonheur, d’un bonheur stable et total. Or, il constate qu’un tel bonheur n’existe pas sous le soleil, et conclut son analyse sereine en conseillant de jouir avec mesure des joies honnêtes d’ici-bas. C’est un désabusé, mais non un sceptique, ni un pessimiste absolu, car sa foi juive lui donne des certitudes, entre autres celle de la justice divine, et son sens moral demeure très averti. Ce n’est pas davantage un philosophe optimiste, assurant que la béatitude réside dans l’effort modéré et dans la recherche du plaisir. En fait, c’est un croyant ; dans l’ambiance générale de ce siècle, où l’humanisme gréco-alexandrin s’interroge, avec confiance d’ailleurs, sur l’homme et le destin, Qohéleth prend conscience qu’il n’est point ici-bas de bonheur inamissible. Comme Job autrefois, il souffre des insuffisances doctrinales de son époque ; son désir de béatitude est, sans qu’il le sache, une espérance d’éternité : il aspire à cette justice et à ce bonheur de l’au-delà, qui ne seront révélés qu’aux temps proches du Christ.

Introduction de la Amiot & Tamisier

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