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Saint Luc est le troisième des évangélistes selon l’ordre chronologique. Il était d’Antioche, métropole de la Syrie, où il exerça quelque temps la médecine, ce qui lui acquis le surnom de Médecin, que lui donne l’apôtre saint Paul dans l’épître aux Colossiens, chap. IV, v. 14. Il n’a été du nombre ni des apôtres, ni des disciples de Jésus-Christ ; mais ayant été converti à la foi, il devint le fidèle compagnon des travaux et des voyages de l’apôtre saint Paul. C’est pourquoi il ne fait pas de difficulté de reconnaître que ce qu’il a écrit de l’histoire, de la naissance, de la vie et de la mort de Jésus-Christ, il ne l’a pas su par lui-même, mais de ceux qui dès le commencement en avaient été les témoins oculaires, et y avaient eu grande part. C’est ainsi que Tertullien, contr. Marc., lib. III, cap. II ; Eusèbe, Histor., lib II, cap. IV, et presque tous les anciens Pères, ont parlé de cet évangéliste.

A l’égard du motif qui l’engagea à écrire son Évangile, il s’en est expliqué lui-même dans son exorde. Ce fut, dit cet évangéliste, 1° afin de fixer la doctrine que Théophile n’avait encore reçue que par la tradition orale et par l’instruction ; 2° pour arrêter l’émulation de plusieurs fidèles qui entreprenaient d’écrire différents Évangiles, sans ordre et sans aucun exactitude, et empêcher la liberté que plusieurs se donnaient de les remplir de faits faux et supposés comme le remarquent : Origène sur saint Luc ; Eusèbe, Histor., lib. V, cap. XVIII ; saint Athanase, Epist. ad Ammon. Monach. ; et saint Épiphane, Heres. 51, lib II. Ainsi l’on ne peut pas douter que cet évangéliste n’ait appris les choses qu’il rapporte de la bouche même des apôtres, et en particulier de saint Pierre ; et c’est ce qu’il a voulu marquer par ces paroles, qui dès le commencement les ont vues ; et surtout de saint Paul auquel il a presque toujours été attaché et associé dans le ministère, et auquel les paroles suivantes, et qui ont été les ministres de la parole, semblent avoir rapport.

Et comme, selon le sentiment des saints Pères, il a écrit depuis saint Matthieu et saint Marc, il a eu soin de suppléer beaucoup de faits considérables, comme sont la naissance de Jean-Baptiste, l’annonciation de l’ange à la saint Vierge, et plusieurs circonstances, comme celle de la sueur de sang de Jésus-Christ dans le jardin, que les autres avaient omises ; car il a repris l’histoire de plus haut, en y observant beaucoup plus d’ordre et d’exactitude, et c’est ce qu’il insinue par ces paroles, a principio, et ex ordine. Cet ouvrage est dédié, pour ainsi dire, à Théophile, auquel il est adressé ; il est vrai que les Pères sont partagés de sentiment sur ce nom de Théophile. Origène, saint Épiphane, Heres. 51, et plusieurs autres, ont cru que Théophile n’était qu’un nom commun à tous les fidèles qui aimaient Dieu ; mais saint Augustin, de Consensu Evang., lib. IV, cap. VIII, n. 9, prétend, ainsi que saint Jean Chrysostome, que c’est le nom propre d’un homme de qualité qui s’était converti par les instructions de saint Paul ou de saint Luc ; et que c’est à ce même homme que cet évangéliste a adressé ensuite son livre des Actes des Apôtres.

A l’égard du temps auquel ce disciple composa son Évangile, il est difficile de le déterminer ; mais il est au moins certain qu’il l’écrivit avant l’an 63 de l’ère vulgaire, puisqu’il le cite dans son livre des Actes, lequel fut achevé vers la même année (voyez Act., XXVIII, 30). Saint Jérôme suppose qu’il a écrit son Évangile lorsqu’il était dans l’Achaïe ou dans la Béotie, pendant que saint Paul parcourait ces provinces ; mais comme cet apôtre y a fait deux différents voyages, l’un quand il vint à Athènes où il disputa dans l’Aéropage touchant l’autel dédié au dieu inconnu, comme il est rapporté Act., XVII, v. 23, et XVIII, v. 27 et seq., vers l’an 52 ou 53 de l’ère vulgaire ; et l’autre lorsqu’il demeura trois mois en Grèce pour y recueillir les aumônes et les porter à Jérusalem, Act., XX, 2 et 3, et I Corinth., XVI, 2 et 3, vers l’an 58 de l’ère vulgaire, il n’est pas possible d’assurer pendant lequel de ces deux voyages saint Luc composa cet ouvrage, quoiqu’il semble plus naturel de se déterminer pour le premier, d’autant que l’apôtre saint Paul demeura plus d’un an et demi à Corinthe, et qu’ainsi Luc sont disciple eut tout le loisir d’y travailler ; ce qui a fait croire que cet Évvangile a paru vers l’an 56 de l’ère vulgaire, vingt-trois ans après l’ascension de Jésus-Christ. On ne doute point que saint Luc ne l’ait écrit en grec, ce qui paraît non-seulement par le nom de la personne à qui il l’adresse, mais encore parce qu’il y a beaucoup d’apparence que cet évangéliste était au nombre de ceux des Juifs qu’on surnommait Hellénistes, c’est-à-dire auxquels la langue grecque était naturelle, d’autant que son style est plus pur, plus châtié, plus élégant, et beaucoup moins rempli d’hébraïsmes que celui des autres évangélistes qui ont écrit en grec comme lui.

Les Marcionites se servaient de ce seul Évangile, mais ils en avaient corrompu et retranché beaucoup de choses et principalement ce qui pouvait établir la vérité et la réalité de l’incarnation de Jésus-Christ, qui était contraire à l’erreur qu’ils soutenaient de son apparition sous un fantôme. C’est de quoi se sont plaints saint Irénée, lib. III, cap. XII et XIV ; Tertullien, contr. Marcion., lib. IV, cap. III, V et VII ; et saint Épiphane, Heres. 42, n. 11. On a cru même que quelques fidèles y avaient aussi retranché dans quelques exemplaires les pleurs de Jésus-Christ, sa sueur de sang dans le jardin, s’imaginant que ces prétendues faiblesses n’étaient pas convenables à sa grandeur et à sa divinité. Voyez saint Jérôme, advers. Pelag., lib. II ; ce même Père, parlant de cet évangéliste dans le livre des Écrivains ecclésiastiques, dit que saint Luc a toujours gardé le célibat, qu’il est mort à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, et qu’il souffrit le martyre à Patras, ville d’Achaïe.

Quelques-uns, appuyés sur les paroles de saint Paul aux Romains, ch. II, v. 16, selon mon Évangile, ont cru que saint Luc n’avait fait que prêter la main à cet apôtre, et qu’il n’avait eu d’autre part à cet ouvrage que d’être son secrétaire ; mais ils n’ont pas pris garde que saint Paul n’entend autre chose, par ce mot Évangile, que la doctrine de Jésus-Christ qu’il avait enseignée aux peuples auxquels il écrivait ; et c’est dans le même sens que le même apôtre a dit de lui, II Cor., VIII, 18 : « Nous avons envoyé aussi avec lui notre frère, qui est devenu célèbre par l’Évangile. »


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