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Ce sont huit groupements de sentences diverses, défiant tout ordre logique. Leurs titres, leur forme littéraire, leur contenu et leurs tendances permettent de les discerner.
I – IX servent d’introduction à tout le livre ; ils semblent garder l’écho de troubles politiques et moraux (voir I, 8-19 ; V – VII) ; s’inspirant du Deutéronome et de Jérémie, ils sont un vrai commentaire affectif et persuasif du Décalogue : les attraits de la vertu s’opposent aux funestes conséquences du vice ; on fait appel à la raison et à l’expérience ; on inculque profondément la responsabilité et les destinées individuelles ; la Sagesse divine elle-même est mise en scène (I, 20-33 ; VIII, 1 – IX, 12) sous des termes empruntés aux oracles messianiques d’Isaïe : ce qui suppose plus qu’une simple personnification poétique. Ces références et ces idées invitent à dater ces chapitres de la période postexilienne.
Deux recueils sont attribués à Salomon : X – XXII, 16 et XXV – XXIX ; ce sont de courtes maximes, au style concret et imagé, encore toutes proches de l’observation empirique ; elles mettent en vedette la sagesse humaine, basée sur la prudence et la circonspection, qui doivent diriger le sage dans sa vie personnelle et familiale, dans ses relations d’affaires et d’amitié. Il est parfaitement légitime d’attribuer ces chapitres, dont la parenté littéraire et doctrinale est certaine, à Salomon : il avait laissé de nombreuses compositions (cf. III Rois IV, 29-33) et les scribes royaux conservèrent précieusement ses dits; mais par la suite, ces collections se sont amplifiées de réflexions nouvelles, auxquelles on a pu joindre à l’occasion des maximes anciennes ; il ne s’agit donc que d’une authenticité d’ensemble.
Deux groupes de « Paroles des Sages » (XXII, 17 – XXIV, 22 ; XXIV, 23-34) s’intercalent entre les parties salomoniennes du livre ; ils mettent surtout en relief les avantages pratiques de la sagesse. Le début du premier recueil révèle des rapports étroits avec l’œuvre égyptienne intitulée Sagesse d’Amen-em-opé, découverte en 1926 ; cet ouvrage, que l’on date du XIe ou Xe siècle avant notre ère, pourrait provenir d’un vieil original sémitique adapté à l’Égypte ; le texte des « Paroles des Sages » semble bien en dépendre, plus ou moins directement ; cependant l’auteur inspiré, sans respecter d’ailleurs l’ordre des maximes égyptiennes, a su conformer les emprunts aux plus pures traditions dogmatiques et morales d’Israël. Ces deux recueils, postérieurs au règne de Salomon, paraissent avoir existé dès le temps d’Ézéchias (fin du VIIIe siècle).
A la fin du livre on trouve : les Paroles d’Agur (XXX) qui présentent bien des points communs avec Job (cf. XXX, 1-4), et les Paroles de la mère de Lamuel (XXXI, 1-9) ; ces personnages étaient probablement des roitelets ismaélites, chefs de quelques-unes de ces tribus arabes qu’on trouvait aux confins de la Transjordane ; les deux recueils, à la langue aramaïsante, seraient datés avec vraisemblance des temps exiliens.
En guise d’appendice, l’éloge de la Femme forte (XXXI, 10-31) exalte les vertus, l’influence et le bonheur de la mère de famille intelligente et laborieuse; l’auteur inconnu le présente sous forme de poème alphabétique, technique savante pratiquée après l’Exil.
Ce livre est donc une compilation, dont on peut à grands traits dégager l’histoire : avant le règne d’Ézéchias (716-687) on joignit, au premier recueil salomonien déjà constitué, les deux groupes des Paroles des Sages ; par ordre de ce roi (XXV, 1), on y ajouta le second recueil salomonien ; c’est peut-être au VIe siècle (Exil) que les Paroles d’Agur et de la mère de Lamuel vinrent grossir la collection. C’est au Ve siècle sans doute qu’un auteur inspiré rédigea les chapitres I – IX comme introduction à tout le livre, qui se présenta désormais sous sa forme actuelle ; on ne peut préciser toutefois si le poème final de la Femme forte ne fut pas ajouté par la suite.
En raison de ses origines, l’œuvre permet de retracer à grandes lignes le développement de la sagesse en Israël. Elle exprime d’abord l’expérience de la vie, le jugement pratique, le savoir-faire, et le sage énonce à son disciple les règles de la prudence humaine ; parfois, sur un plan supérieur, sa réflexion spéculative s’exercera sur les phénomènes de la nature ; il ressemble en cela aux autres sages de l’Orient (voir Paroles des Sages, d’Agur, de la mère de Lamuel). Mais les règles de la prudence divine devaient informer peu à peu ces dons intellectuels : le savoir-faire pratique devient vertu morale de prudence (recueils salomoniens), et la réflexion spéculative, éclairée par la Révélation, s’applique de préférence aux grands problèmes moraux et métaphysiques. Ainsi discerne-t-on dans la création la Sagesse divine : elle caractérise les œuvres du Seigneur, et, de quelque façon, son Être (VIII) ; mais on ne doit pas oublier que le milieu juif demeurait fermé à toute notion d’hypostase divine ; à cause de son monothéisme farouche, il ne pouvait se représenter un attribut divin, quel qu’il fût, comme ayant une existence propre, distincte de celle de Dieu : I, 20-33 et VIII – IX, 12 n’en donnaient pas une révélation directe, emportant l’adhésion ; ils représentent de façon très concrète la Sagesse divine, conçue comme faisant partie de l’Être divin. C’étaient comme des pierres d’attente pour le couronnement de l’édifice que réaliserait le Christ, quand il mettrait en lumière la plénitude de leur sens trinitaire.

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